Panique déraisonnable et... dangereuse
Par Dominique Seux
Les tempêtes boursières estivales sont devenues une possibilité sinon une habitude ces dernières années et la règle se confirme en 2015. De règle, il y en a une autre : les coups de grisou des marchés exagèrent la plupart du temps les évolutions des fondamentaux économiques. Mais le problème est que s'ils durent, la nervosité des investisseurs se transforme en panique et finit par avoir des conséquences cette fois bien réelles et dramatiques que rien ne justifie. C'est ce qui nous menace aujourd'hui. La journée de lundi restera dans les annales pour une fin août. Les Bourses de Shanghai et de Tokyo ont chuté respectivement de près de 9 % et 5 %. Elles ont entraîné les places européennes vers le fond. Paris a même affiché un moment un plongeon de presque 9 % en séance (avant de finir à -5,35 %) ! Les prix des matières premières comme le pétrole ont aussi enfoncé des planchers.
Sur le papier, des mouvements de telle ampleur se comprennent mal. La Chine ralentit ? On le sait depuis plusieurs trimestres déjà et il était évident que c'était nécessaire. Si sa croissance est moindre qu'auparavant, elle est encore là, et n'importe quel autre pays en rêverait. Le spécialiste François Godement rappelait d'ailleurs dans nos colonnes il y a peu que, même en repli, le marché automobile chinois reste le premier au monde (plus de 20 millions de voitures vendues). L'effondrement de la Bourse de Shanghai depuis le début de l'été ? Bien sûr, c'est violent. Mais c'est la progression antérieure de la « bulle » qui était aberrante. En niveau, l'indice se situe peu ou prou au même point que début janvier. Quant au reste du monde, la reprise américaine, même modeste, se confirme. Même la croissance en Europe reprend des couleurs, c'est dire.
Alors, pourquoi cet affolement ? Parmi d'autres, on peut identifier deux raisons. La première est l'absence de données fiables sur l'économie chinoise. Quand la croissance cavalait à 8-10 %, tout le monde faisait semblant de croire les statistiques officielles. Pékin avance désormais le chiffre de 7 %. Mais, au fond, personne n'en sait rien. Est-ce 4 %, 3 %, 1 %, voire moins ? Ce n'est pas la même chose, et c'est singulièrement stressant. La seconde raison, bien plus lourde encore, est l'abondance exceptionnelle des liquidités dans le monde, qui découle des politiques monétaires expansionnistes partout. Les masses qui se déplacent sont devenues gigantesques, bien plus élevées encore qu'en 2008-2009, et les risques sont décuplés. Si l'on rajoute le fait que les autorités publiques semblent désarmées parce qu'elles ont déjà largement utilisé les leviers de commandes, chacun comprend que le moteur de l'économie qu'est la confiance fait défaut et que le cocktail de la rentrée est explosif, alors qu'il ne devrait pas.