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Chronique

Les faux-semblants d'une pseudo-« unité nationale »

Un mois après les attentats à Paris, l'aggiornamento politique promis a tourné court. L'exécutif et les politiques se préoccupent davantage d'élections locales que d'offrir au pays une réponse aux menaces qui l'entourent.

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Par Edouard Tétreau (essayiste et conseiller de dirigeants d’entreprises)

Publié le 4 févr. 2015 à 01:01

Comme si rien ne s'était passé. Un mois après les attentats du 7 janvier, le soufflé de la déflagration et de ce moment rare de quête d'unité nationale est retombé bien vite. Après les déclarations fortes et les manifestations massives, que reste-t-il en effet ? La réponse du monde extérieur à notre bel unanimisme autour du slogan « Je suis Charlie » est sans équivoque, au regard des flambées de violence et d'actes haineux envers les intérêts français dans le monde musulman. Peut-on ignorer encore longtemps cette réalité du monde dans lequel nous vivons et continuer de faire ce pour quoi nous semblons si doués : faire semblant ?

C'est le triste enseignement de l'« après-Charlie » : malgré la tragédie, nous continuons de simuler. Faire semblant de ne pas voir, d'abord. Que les assassins étaient des enfants de la République, nés en France, passés par l'Education nationale, les contrats jeunes, la justice et la prison françaises. Et même une garden-party élyséenne.

Faire semblant d'apporter une réponse aux enjeux désormais majeurs et pressants de sécurité civile et militaire pour notre pays. Les attentats du 7 janvier et leurs suites ont montré à quel point nous avons baissé la garde de nos investissements, humains, financiers et matériels, dans notre sécurité. Qui ose encore écrire que la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) a arrêté la surveillance de certains des assassins par manque de moyens ? Un manque qui se voit crûment aujourd'hui dans Paris, où des policiers armés de fusils en bois dignes d'un service militaire des années 1990 sont censés sécuriser les bâtiments publics et organes de presse. Idem pour la projection de nos forces vers l'extérieur. Après la réussite spectaculaire des opérations au Mali début 2013 - car très bien préparées -, l'exécutif français s'est senti pousser des ailes au point de vouloir gendarmer la République centrafricaine. On passe aujourd'hui sous silence le désastre humanitaire dans ce pays - et le retour de la menace au Mali - car nous avons, là-bas, testé les limites capacitaires d'une armée en surchauffe. Des militaires exsangues, supportant seuls et en silence les coupes budgétaires et d'effectifs qu'aucune administration, en particulier les si riches et dispendieuses collectivités locales, n'oserait envisager. De peur de voir leurs très nombreux agents s'évanouir, faire grève. Ou, plus grave encore, ne pas voter dans le sens voulu aux prochaines élections locales.

Car, et c'est sans doute le plus ignoble, on continue de faire semblant de jouer à l'unité nationale, si bien promue dans les discours, mais oubliée des actes politiques de l'exécutif français. Où est, aujourd'hui, la mise en oeuvre d'un programme d'union nationale pour enfin faire face à la réalité de notre pays ?

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Un pays qui compte - mais on refuse de se compter - peut-être 15 % de musulmans, si absents des cortèges massifs du 11 janvier. Des musulmans insultés par l'apologie du blasphème à leur endroit et stigmatisés parce que trois abrutis ont tué au nom d'un livre dont on se demande s'ils l'ont lu, ou compris. Avaient-ils seulement lu la sourate 49 (des appartements), verset 5, qu'Anouar Kbibech, vice-président du Conseil français du culte musulman, a courageusement citée le 22 janvier au Collège des Bernardins, dans une rencontre majeure pour le dialogue des religions dans notre pays, quelques jours après les attentats : « O hommes ! Nous vous avons créés d'un mâle et d'une femelle, et Nous avons fait de vous des nations et des tribus, pour que vous vous entre-connaissiez. » Pas que vous vous entre-tuiez. N'est-il pas temps, à côté de quelques morceaux choisis de la Genèse et de la Déclaration des droits de l'homme, d'enseigner en éducation civique ce passage du Coran ? Et même de le faire réciter à une hiérarchie de l'Education nationale si jacobine et aux résultats si peu probants, dont le projet semble à rebours : créer un Homme Nouveau, où l'homme et la femme seraient indifférenciés et où une seule nation détiendrait depuis deux siècles la Vérité universelle, la nation française ?

Un pays où tous les régimes sociaux sont en déficit, qui compte 3,5 millions de chômeurs, qui ne propose rien d'autre à sa jeunesse que de faux emplois-jeunes subventionnés, l'exil vers des pays en croissance (Asie, Amérique, reste de l'Europe) pour ceux qui en ont les moyens culturels et financiers. Ou cette nouvelle forme extrême de délinquance qu'est devenu le départ pour la Syrie, ce suicide habillé en prétendu djihad.

Que fait le monde politique face à cette situation d'urgence ? Aux dernières nouvelles, il se préoccupe, avec la triste complicité d'un appareil médiatique tournant à vide, des résultats à venir des prochaines élections locales. A Paris comme dans le Doubs, l'exécutif se demande comment éviter une candidature écologiste en 2017; comment faire monter le FN pour tuer l'UMP, mais pas trop pour gagner le second tour de la présidentielle...

Où est le grand aggiornamento dont le pays a besoin si nous voulons résorber nos déficits, relancer nos entreprises, les inciter à embaucher en masse les nouvelles générations; rétablir évidemment le service civique et militaire obligatoire pour tous les Français, dernier creuset républicain; et réarmer avant qu'il ne soit trop tard les esprits. Peut-on se satisfaire d'une loi Macron qui soulevait de vrais espoirs et qui, prisonnière d'une majorité improbable, va se borner à réformer le permis de conduire et l'économie des autocars ?

Edouard Tétreau

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