Publicité
Chronique

Le « suicide français » et la grandeur de la France

Le succès du livre d'Eric Zemmour comme la passion ad nauseam pour les commémorations procèdent d'un même mouvement : une pulsion autodestructrice. Heureusement, une nouvelle génération arrive.

ECH21808034_1.jpg

Par Edouard Tétreau (essayiste et conseiller de dirigeants d’entreprises)

Publié le 5 nov. 2014 à 01:01

Voici novembre. Depuis deux mois, la guerre est finie, les ressorts fléchissent, les grandes actions n'ont plus court. » Dans ses « Mémoires de guerre », le général de Gaulle exprime la mélancolie de ce mois qui ouvre sur le Jour des morts et lui rappelle le temps qui passe : novembre est le mois de sa naissance - et de sa disparition. C'était en 1944 : les dirigeants politiques, notamment les parlementaires qui votèrent en masse la dissolution de l'Assemblée et les pleins pouvoirs à Pétain en juin 1940 et continuèrent de percevoir leur traitement pendant toute la collaboration, lui indiqueront bientôt le chemin de Colombey-les-Deux-Eglises.

Soixante-dix ans après, malgré une décennie de redressement (1958-1968), la France s'installe dans une spirale dépressive que rien ne semble pouvoir arrêter. Témoin, le succès phénoménal du « Suicide français » d'Eric Zemmour, qui parachève le travail de sape de toute une génération de déclinistes, aussi doués pour stigmatiser nos erreurs et nos manques, et désigner des boucs émissaires, qu'incapables de proposer un chemin de progrès ou un espoir. « Le Suicide français » marche donc avec bonheur et profits sur les brisées du « Suicide d'une nation » de Renaud Camus, parmi les nombreux modèles du genre récemment publiés.

Autre facette de la même médaille : la passion commémorative et repentante d'une élite politique d'autant plus prompte à couvrir la tête de cendres de ses prédécesseurs, qu'elle croit s'exonérer ainsi de son incapacité à diriger ou inspirer au présent. Plutôt que de réformer un pays comptant 5 millions de demandeurs d'emploi et un millier de résidents partis faire le djihad en Syrie, on préfère commémorer ad nauseam l'esclavage tous les 10 mai. Ou fêter depuis bientôt un siècle l'armistice, c'est-à-dire la grande tentative de suicide de l'Europe, tous les 11 novembre.

Qui va redonner espoir à un pays fait pour le bonheur et la grandeur, pas pour la mélancolie ou l'autodestruction ? La semaine dernière, aux antipodes de ce « Suicide français », les « young leaders » de la France China Foundation étaient reçus à Hangzhou par le vice-président de la République populaire de Chine, Li Yuanchao. 20 jeunes entrepreneurs, scientifiques, dirigeants politiques et économiques chinois côtoyaient leurs 20 homologues français parmi les plus engagés en Chine. A l'instar de Merieme Chadid, astronome franco-marocaine nobélisable, explorant les origines de l'univers depuis ses expéditions en Antarctique, et associant à ses découvertes le monde entier, notamment les chercheurs de l'Académie des sciences de Pékin.

Publicité

« Le bonheur et la grandeur d'un pays dépendent de la volonté de son peuple, et de la capacité de ses dirigeants à lui donner ce cap, et à s'y tenir », devait leur dire en substance Li Yuanchao, reprenant les deux mots-clefs utilisés par Xi Jinping en clôture du dernier congrès du Parti communiste chinois. Le bonheur et la grandeur, conditions d'une renaissance de la Chine qui, après des décennies d'« humiliation », de folie (Révolution culturelle) et d'hypercroissance, revient à la source de son identité et de sa culture plurimillénaires. Confucius - cité par Li Yuanchao - est remis à l'honneur, comme les entrepreneurs et commerçants, à l'instar de Jack Ma. Le petit prof d'anglais devenu le charismatique et philanthrope fondateur d'Alibaba, 250 milliards de dollars de valeur boursière, est le héros des jeunes générations chinoises.

C'est le contraste du temps présent : de grands pays, à l'instar de la Chine, mais aussi de la Turquie ou de l'Inde démocratiques, retrouvent leur rang, leur confiance en eux-mêmes et dans l'avenir, au fur et à mesure qu'ils se réapproprient leurs identités originelles. Dans le même temps, les vieilles nations européennes, percluses de dettes et de doutes, croient trouver le salut dans le repli sur elles-mêmes et, paradoxalement, le renoncement à leurs valeurs fondatrices. Ainsi de la Grande-Bretagne, pays d'ouverture et de liberté s'il en est, qui se transforme en petite Angleterre relevant ses frontières sous la pression d'une population de plus en plus xénophobe. Ainsi de l'Allemagne, prisonnière d'un juridisme étroit et d'une vision étriquée de l'Europe - celle d'une grosse Suisse vieillissante, davantage soucieuse de préserver les rentes de ses retraités, que d'offrir un projet à sa jeunesse et un avenir à l'Europe.

Ainsi de la France, qui, pour le moment, préfère sacrifier les instruments de sa renaissance sinon de sa survie, au profit du petit confort de ses ayants droit. Aujourd'hui, nous consacrons chaque année 500 euros par habitant pour la défense de notre territoire, de nos citoyens, de nos valeurs et de nos intérêts : le budget de la défense, en réduction accélérée, contrairement aux engagements pris au sommet de l'Etat. Et 15 fois plus (7.500 euros par habitant) pour la Sécurité sociale des résidents en France, hors-la-loi inclus, avec les déficits et les charges mortifères pour les entreprises, que l'on sait.

Les vieilles nations ne meurent jamais : elles se régénèrent. A condition qu'on leur en donne l'ambition, puis les moyens. Ce sera la tâche d'une nouvelle génération d'intellectuels et de politiques de proposer ce projet, comme un antidote à la politique et aux idées actuelles, si moisies. Celles qui invitent les Français au suicide, au départ ou à la xénophobie. Alors que dans un siècle où resurgissent les nationalismes les plus virulents, la France, matrice de l'identité et du projet européens reste une espérance.

Edouard Tétreau

MicrosoftTeams-image.png

Nouveau : découvrez nos offres Premium !

Vos responsabilités exigent une attention fine aux événements et rapports de force qui régissent notre monde. Vous avez besoin d’anticiper les grandes tendances pour reconnaitre, au bon moment, les opportunités à saisir et les risques à prévenir.C’est précisément la promesse de nos offres PREMIUM : vous fournir des analyses exclusives et des outils de veille sectorielle pour prendre des décisions éclairées, identifier les signaux faibles et appuyer vos partis pris. N'attendez plus, les décisions les plus déterminantes pour vos succès 2024 se prennent maintenant !
Je découvre les offres

Nos Vidéos

xqk50pr-O.jpg

Crise de l’immobilier, climat : la maison individuelle a-t-elle encore un avenir ?

x0xfrvz-O.jpg

Autoroutes : pourquoi le prix des péages augmente ? (et ce n’est pas près de s’arrêter)

qfkr8v3-O.jpg

La baisse de la natalité est-elle vraiment un problème ?

Publicité