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Algérie : la rue face à la ruse du régime

Les appels à la mobilisation vendredi prochain ont répondu à la décision du président Bouteflika de prolonger son mandat pour piloter une transition très hypothétique. 

Le président Abdelaziz Bouteflika n'est pas intervenu en public durant l'intégralité de son quatrième mandat présidentiel.
Le président Abdelaziz Bouteflika n'est pas intervenu en public durant l'intégralité de son quatrième mandat présidentiel. (RYAD KRAMDI/AFP)

Par Yves Bourdillon

Publié le 12 mars 2019 à 11:18Mis à jour le 13 mars 2019 à 10:46

Voyant qu'il ne pourrait pas imposer un cinquième mandat raccourci, le président algérien Abdelaziz Bouteflika a tenté lundi soir d'imposer un quatrième mandat rallongé. Ce qui n'a que peu désarmé la contestation mardi, au vu des cortèges d'étudiants criant « pas de prolongation », des commentaires sur les réseaux sociaux dénonçant « ruse », « arnaque » et « réincarnation d'un pouvoir mafieux», ou des réactions de journaux tels que TSA et Al Watan.

La multiplication d'appels à la mobilisation pour ce vendredi montre clairement que la tentative du chef de l'Etat, ou son entourage, de piloter une transition politique censée rénover son régime ne convainc pas une grande partie des millions d'Algériens défilant aux quatre coins du pays depuis un mois pour réclamer sa liquidation pure et simple.

Appels à la vigilance

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Le plan d'Abdelaziz Bouteflika prévoit le report de la présidentielle du 18 avril, une conférence nationale, présidée par le diplomate Lakhdar Brahimi, dont le mandat expirerait fin 2019, chargée de mettre sur les rails un référendum constitutionnel, suivi d'une élection présidentielle à laquelle le chef de l'Etat ne participerait pas. Ce plan - qui avait été testé fin 2018 lors de contacts discrets avec des partis d'opposition - s'apparente, selon l'universitaire Louisa Dris-Aït Hamadouche, à un remodelage de celui que le chef de l'Etat avait présenté le 3 mars , qui avait été immédiatement refusé par les manifestants. De même source, ce processus prendrait largement plus d'un an et peut être deux... 

Le report du scrutin présidentiel s'effectue en outre hors de tout cadre légal, puisqu'il ne peut avoir lieu qu'après saisine de l'article 107 de la Constitution (non invoqué lundi soir) pour menace grave sur les institutions, ce qui n'est clairement pas le cas vu le caractère pacifique des manifestations. Le président Bouteflika ne pourra pas assumer légalement ses pouvoirs à partir du 28 avril, estime Louisa Dris-Aït Hamadouche, « et ne pourra donc pas légalement être le garant du processus de transition ». 

Peu d'alternatives

Toutefois, l'alternative que pourrait proposer la société civile, en l'absence de partis d'opposition populaires, reste floue. Quels «sages » ou personnalités indépendantes et incontestables pourraient constituer un gouvernement d'union nationale et suivant quel processus constitutionnel ? Peut-on en outre imaginer que les clans au pouvoir (armée, FLN, affairistes, renseignements) puissent s'asseoir à la même table que des opposants rêvant de tourner la page ? Les manifestants exigeant depuis des semaines « que le système dégage », selon le slogan clef du printemps arabe de 2011, n'ont pas non plus de leader ou porte-parole reconnu. Il n'existe au demeurant aucune issue légale à la crise, sauf à maintenir un scrutin vide de sens le 18 avril avec seulement des candidats inconnus ou comparses du pouvoir.

Paris prudent

La France est sortie mardi prudemment du mutisme auquel l'avait confiné la peur d'être accusée d'ingérence. Le chef de l'Etat français, Emmanuel Macron, a salué, mardi matin, la « maturité » des décisions du président Bouteflika et souhaité une transition d'une « durée raisonnable ». Une prise de position mal perçue par les étudiants à Alger. Andrew Lebovitch, de l'European Council on Foreign Relations, a estimé que la position française est « déjà dépassée dans la rue. Il est clair que les manifestants ne vont pas accepter cette transition, ils ont déjà changé leurs slogan, le «Pas de 5e mandat » s'est transformé en «pas une minute de plus »

Yves Bourdillon

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