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En pleine crise européenne, Paris et Berlin renouvellent leur alliance

LE CERCLE/POINT DE VUE - Face aux séismes politiques européens, la coopération entre la France et l’Allemagne semble acquérir une nouvelle dynamique.

Par Almut Moller (analyste politique au Conseil européen des relations étrangères (ECFR))

Publié le 7 févr. 2017 à 11:35

Il n’y a pas si longtemps, le fameux couple franco-allemand était le symbole d’un rituel ennuyeux. Rappelant le cinquantenaire du Traité de l’Elysée en 2013, on trouve peu de substance dans ses images et ses déclarations symboliques. Elles sont en contradiction flagrante avec le contexte politique européen de l’époque. En pleine crise de la dette dans la zone euro, la coopération franco-allemande est apparue anémique.

Les gouvernements des deux côtés du Rhin n’ont pas été en mesure de dépasser leurs différences fondamentales. Face à l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014, les attaques terroristes en France et le référendum sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union européenne (UE), la pression pour s’accorder sur une position commune est montée à Berlin et à Paris.

Cela se reflète dans une série de mesures communes, comme la coopération diplomatique au sein du Format Normandie, ou encore des déclarations communes pour renforcer la politique de sécurité et de défense de l’Union européenne. Cependant, les principaux enjeux de prospérité et de sécurité restent largement en-deçà du potentiel des deux capitales.

Un engagement radical ?

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Au début de l’année 2017, la coopération franco-allemande acquiert une nouvelle dynamique. C’est une ironie de l’histoire que Paris et Berlin cherchent à renouveler leur alliance au moment où les Britanniques ont choisi de quitter l’Union européenne et où Donald Trump devient le nouveau président des Etats-Unis. Pendant l’été suivant la signature du traité de l’Élysée en 1963, le parlement allemand avait ratifié le document en ajoutant un préambule unilatéral affirmant l’alliance transatlantique et la volonté d’intégrer la Grande-Bretagne dans la Communauté Européenne. Cela avait suscité en France une profonde déception, puisque du point de vue français, ces affirmations vidaient le traité de son contenu.

Aujourd’hui, c’est l’ordre européen lui-même qui est menacé – et cette menace vient même de l’intérieur des rangs des partenaires de longue date, notamment des Britanniques et des Américains. Serons-nous enfin témoins d’un engagement renouvelé – d’un engagement radical, en faveur d’une Europe puissante et indépendante? Depuis longtemps, cette revendication joue un rôle important dans les stratégies européennes de la France, alors que la politique étrangère allemande misait auparavant plutôt sur l’alliance transatlantique.

A Berlin ces jours-ci, il fait beau croire à la force de la coopération franco-allemande. Ces derniers mois ont montré que tous les calculs de coalitions pour conserver le projet européen aboutissent inévitablement en France. Pendant longtemps, le tandem franco-allemand était considéré comme trop faible pour relancer l’UE des Vingt-Huit. Maintenant, il est grand temps de trouver un groupe de pays partageant ses vues. En Allemagne, le Brexit est considéré comme un évènement supportable. En revanche, un changement de direction ou même la sortie de la France de l’Union européenne serait catastrophique et marquerait la fin de l’aventure européenne. Le souci en Allemagne est de savoir s’il est désormais possible de trouver des partenaires partageant les mêmes idées à Paris.

Macron et Fillon en première ligne

Les visites d’Emmanuel Macron et de François Fillon en janvier à Berlin reflètent le grand intérêt de la classe politique et du public allemand pour l’élection présidentielle française. Les deux candidats, chacun à sa manière, ont essayé de restaurer la confiance en la puissance créatrice et la volonté de changement françaises.

Le candidat indépendant Emmanuel Macron a prononcé un discours à toute volée à l’université Humboldt, rassurant le public que la relation franco-allemande et l’avenir de l’Europe se trouvaient entre de bonnes mains avec sa génération. Il a ainsi suivi les traces de Joschka Fischer, ancien ministre des Affaires étrangères allemand qui avait dynamisé le débat sur l’Europe par un discours au même endroit en 2000.

François Fillon a été accueilli par la chancelière Angela Merkel comme s’il était déjà président de la République.

François Fillon, le candidat de la droite à l’élection présidentielle, a été accueilli par la chancelière Angela Merkel et d’autres conservateurs de son gouvernement comme s’il était déjà Président de la République. Bien qu’ils soient porteurs de messages différents, les deux candidats étaient tout de même en accord sur le fait qu’il existe une crise fondamentale du projet européen. Ils évoquaient également des points de désaccord entre Paris et Berlin, notamment sur la Russie et sur la réforme de la zone euro.

Voeu pieux ou changement profond ?

Combinés à une demande claire de renforcement de l’axe franco-allemand, ces discours ont donné l’impression que Paris retrouve sa puissance, à l’aune des enjeux existentiels pour la France et pour l’Europe. Plus que jamais, Berlin a besoin de la création d’une synergie outre-Rhin et d’un partenaire français qui traite d’égal à égal avec elle, et de temps en temps tende un miroir à Berlin.

Les critiques diront qu’il s’agit d’un vœu pieux, mais les relations franco-allemandes ont vécu un changement profond ces derniers mois. Face aux séismes politiques en Europe – notamment la menace de la sécurité et des valeurs européennes et récemment la dérive des Britanniques et des États-Unis – un réflexe profond de sauvegarder l’Europe et de son modèle d’organisation a été déclenché. Paris et Berlin doivent agir concrètement pour démontrer leur capacité créative pour l’Europe. Et il existe beaucoup d’arguments qui suggèrent qu’un accord en matière de sécurité sera bien plus facile à obtenir qu’un accord sur la réalisation d’un véritable modèle économique et social.

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Almut Möller est analyste politique au Conseil européen des relations étrangères (ECFR)

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