Après les critiques d'Emmanuel Macron, Angela Merkel défend l'Otan

La chancelière allemande estime qu'il faut « préserver » l'organisation politico-militaire, dont elle a souligné l'importance depuis sa création.

Source AFP

À une semaine du sommet de l'Otan à Londres, Angela Merkel a livré devant les députés un long plaidoyer en faveur de l'Alliance, fondée en 1949. 

À une semaine du sommet de l'Otan à Londres, Angela Merkel a livré devant les députés un long plaidoyer en faveur de l'Alliance, fondée en 1949. 

© PASCAL PAVANI / AFP

Temps de lecture : 5 min

Angela Merkel et Emmanuel Merkel ne sont pas d'accord sur l'Otan. Alors que le président de la République a estimé que l'organisation politico-militaire était en état de « mort cérébrale », la chancelière allemande lui a répondu point par point. « Il est dans notre intérêt de préserver l'Otan, plus que pendant la Guerre froide », a-t-elle déclaré devant la chambre des députés. Elle a promis que l'Allemagne atteindrait « au début de la décennie 2030 » l'objectif de l'Alliance atlantique de consacrer 2 % de son produit intérieur brut aux dépenses militaires.

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À une semaine du sommet de l'Otan à Londres, Angela Merkel a livré devant les députés un long plaidoyer en faveur de l'Alliance, fondée en 1949. L'Otan a été « un rempart contre la guerre », qui a garanti « la liberté et la paix » depuis 70 ans, en partie grâce à « nos amis américains », a fait valoir la chancelière allemande. Elle a ainsi souligné la contribution de l'Otan à la stabilisation, depuis la fin de la Guerre froide, de la situation dans les Balkans ou encore en Afghanistan « L'Europe ne peut pas se défendre seule pour le moment, nous dépendons de l'Alliance transatlantique, il est important que nous travaillions pour cette Alliance et que nous assumions davantage de responsabilités », a expliqué la chancelière, qui a consacré à l'Otan l'essentiel de son discours consacré au budget fédéral 2020.

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L'Allemagne tancée par les États-Unis

Berlin atteindra « au début de la décennie 2030 », a ainsi promis Angela Merkel, l'objectif de l'Alliance atlantique de consacrer 2 % de son produit intérieur brut à ce domaine. La chancelière a glissé au passage qu'elle comptait bien diriger le pays jusqu'à la fin de l'actuelle législature, en 2021, malgré les menaces qui pèsent sur sa coalition gouvernementale avec le parti social-démocrate. Enfin, elle a évoqué la délicate question de la Turquie, membre-clé de l'Otan dont l'intervention dans le nord de la Syrie, avec l'assentiment de Washington, a déstabilisé l'organisation. « La Turquie doit rester membre de l'Otan », a asséné la chancelière, à la tête d'un pays qui compte environ 2,5 millions de personnes d'origine ou de nationalité turque. « Il est important pour l'Alliance, sur le plan géostratégique, que la Turquie en fasse partie », a-t-elle martelé.

Gérard Araud – Sommet de l'Otan : la fête est finie

Paris et Berlin ont déjà cherché à calmer le jeu après les critiques françaises, en s'accordant le 20 novembre sur la mise en place d'un comité d'experts destiné à renforcer le processus politique au sein de l'Otan, une organisation militaire. Les alliés de l'Allemagne, en particulier les États-Unis de Donald Trump, reprochent à intervalles réguliers à l'Allemagne, malgré ses excédents budgétaires, de ne pas participer suffisamment aux dépenses. Le conseiller à la sécurité nationale du président américain Robert O'Brien souligne ainsi mercredi dans le quotidien Bild que cet objectif des 2 % « n'est en réalité que le seuil minimum ». « Il serait formidable que l'Allemagne soit à la hauteur de son rôle de leader mondial. Son pouvoir économique est immense, elle joue un rôle important dans le monde », souligne-t-il. « En conséquence, l'Allemagne a le devoir d'investir de manière appropriée dans la défense au profit de sa défense et de celle de ses alliés », estime Robert O'Brien.

La méthode Macron dérange

Emmanuel Macron aura de son côté l'occasion de s'expliquer sur sa dernière charge cinglante contre l'Otan en recevant le secrétaire général de l'organisation, Jens Stoltenberg, jeudi à l'Élysée, et au sommet de l'Alliance les 3 et 4 décembre à Londres. Péremptoire, imprévisible et trop prompt à « renverser la table » : par son style et sa méthode, le président français bouscule ses pairs en Europe, au risque d'apparaître isolé et contre-productif.

« Il a un côté Bonaparte au pont d'Arcole, sauf qu'il n'est pas à Arcole et qu'il n'y a pas de pont  ! » relève François Heisbourg, expert à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS), en référence à une bataille qui forgea la légende du jeune général, avançant à marche forcée et sabre au clair. « C'est la méthode Macron. (…) Plutôt que d'attendre ses partenaires, il impose son tempo avec de nouvelles initiatives quasiment chaque semaine », renchérit Tara Varma, chercheuse à l'European Council on Foreign Relations (ECFR), un centre de réflexion sur l'Europe.

« L'électrochoc a marché »

Ses propos virulents sur l'Otan, dénonçant l'absence de coordination entre les États-Unis et ses alliés, et l'offensive de la Turquie, membre de l'Alliance, contre les Kurdes syriens, acteur clé dans la lutte contre le groupe État islamique (EI), ont semé la consternation, même si son constat est partagé sur le fond. « Ce qui a suscité des réactions en Europe, c'est la méthode et la forme », concède une source diplomatique française. « Mais l'électrochoc a marché » en imposant un débat sur la stratégie de l'Otan et le renforcement de la défense européenne, veut-elle croire.

Selon François Heisbourg, les dirigeants européens ont toutefois peu apprécié de découvrir ses propos dans la presse. « C'est profondément discourtois. Cela suffit pour s'assurer l'inimitié immédiate », dit-il. Emmanuel Macron a surtout hérissé le poil des Européens en semblant douter de la solidité de l'article 5 du traité atlantique qui prévoit une solidarité militaire entre membres de l'Alliance si l'un d'eux est attaqué. Ce pacte, garanti par le parapluie américain, a été le fondement de la sécurité en Europe durant la guerre froide et demeure le seul rempart, aux yeux des pays de l'Est européen, face à leur puissant voisin russe.

« Le président français a développé une fâcheuse tendance à parler d'abord, réfléchir ensuite », assène Jonathan Eyal, directeur associé au Royal United Services Institute (RUSI), un centre de réflexion londonien sur les questions stratégiques. Ses déclarations sur l'Otan ne vont pas renforcer la défense européenne, renchérit Jorge Benitez, expert à l'Atlantic Council. « Mais elles affaiblissent l'Otan et confortent Poutine », pointe-t-il à l'Agence France-Presse. « Les Soviétiques et les Russes ont toujours pris très au sérieux l'article 5. Ils ne l'ont jamais vraiment testé. Ils pourraient désormais être tentés », s'inquiète François Heisbourg.

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Commentaires (13)

  • arracheur

    La France n'en a plus rien à faire de l'Otan car il n'y a plus de pacte de Varsovie. Il ne faut pas confondre les russes et les bolcheviques. En 1917 après le traité de Brest-Litvosk, Ludendorf avait aidé ces derniers contre les russes blancs alliés de l'Entente. Après l'armistice et par peur de la contamination, les allemands s'opposèrent mais trop tard au régime de Lénine puis de Staline. On sait comment tout cela a fini. Je me sens très proche du peuple russe et donc de son dirigeant régulièrement réélu. L'église orthodoxe n'a jamais été si présente et un peuple qui a eu dans son sein Dostoievsky, Toltoï, Pasternak et Soljenitsine ne peut être mauvais. Et puis la Crimée est leur Alsace Lorraine.

  • Mastercard

    Vous avez raison sur l’ignorance crasse de Macron. Mais l’OTAN que vous décrivez n’est plus celle de la guerre froide. Donald Trump a donné des coups de butoir dans l’alliance, considérant les Européens non plus comme des alliés mais comme des concurrents. Il est facile pour Merkel d’apostropher Macron quand son pays n’envoie pas de soldats en première ligne. Les 13 soldats français morts dans la collision de deux hélicoptères devrait inciter la chancelière à plus de retenue, quand l’Allemagne ne contribue pas à la défense européenne autant qu’elle le pourrait.

  • FIK6T

    Les propos de Merkel, qui s'engage à ce que l'Allemagne se décide enfin à participer au financement, peuvent se traduire par "quand les poules auront des dents... ".
    Les propos sur la Turquie ne valent pas mieux : "La main que tu n'oses pas couper, embrasse là... ".

    Blague à part, on constate tout de même que les critiques contre Macron sont quasiment toutes axées sur la forme de ces propos et non sur leur fond.
    Dit autrement, il ne lui est pas reproché d'avoir dit ce qu'il a dit (ce qui suggère que tout le monde est plus ou moins d'accord avec lui) mais sur la façon de le dire.
    On verra donc la situation sous deux angles :
    Le verre à moitié plein : Macron a raison et il est précurseur. Il secoue le cocotier pour faire avancer le schmilblick... Mais il est seul pour le moment.
    Le verre à moitié vide : l'hypocrisie est encore tellement présente que même ceux qui sont d'accord avec le constat ne veulent pas sortir du bois pour le moment, préférant rester soigneusement planqués.