Espagne: Podemos à l'offensive en Catalogne, au nom de "l'urgence sociale"

L'eurodéputé espagnol Pablo Iglesias, chef de file du parti antilibéral Podemos, à Madrid le 24 août 2015
L'eurodéputé espagnol Pablo Iglesias, chef de file du parti antilibéral Podemos, à Madrid le 24 août 2015 © AFP/Archives - PIERRE-PHILIPPE MARCOU

Temps de lecture : 3 min

Il parle d'"urgence sociale" plutôt que d'indépendance: le parti de gauche radicale espagnol Podemos mène une campagne offensive en Catalogne, inquiétant le camp du président indépendantiste Artur Mas dont il pourrait compromettre la victoire aux régionales du 27.

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"Nous savons déjà que les uns sont pour le +oui+ à l'indépendance de la Catalogne, les autres pour le +non+, mais est-ce qu'ils vont parler d'autre chose", avant les élections régionales du 27 septembre?, a lancé le secrétaire général de Podemos, Pablo Iglesias, lors d'un meeting à la périphérie de Barcelone qu'il a fini, poing levé, aux côtés de salariés grévistes d'une usine risquant la délocalisation.

"Sa stratégie, c'est remonter dans le temps et dire: oublions la question de l'indépendance, cet écran de fumée, et regardons la réalité du gouvernement régional sortant" qu'il présente comme "l'élite de toujours, corrompue, conservatrice, ayant pratiqué des coupes sombres dans les services sociaux", commente le politologue Jose Ignacio Torreblanca, auteur d'un essai consacré à l'ascension fulgurante de Podemos.

Le président de la Catalogne depuis 2010, le conservateur Artur Mas et ses alliés indépendantistes - de droite et de gauche - présentent ce scrutin comme un plébiscite, pour ou contre la sécession. S'ils obtiennent une majorité absolue en sièges, ils assurent qu'ils lanceront un processus irréversible de séparation de l'Espagne en 18 mois.

Mais la courte victoire annoncée par plupart des sondages pourrait être menacée par Podemos, né en janvier 2014 pour "convertir l'indignation en changement politique", et appelant les "classes populaires" à se mobiliser après des années de crise.

"Les gens modestes doivent sortir voter le 27", martèle M. Iglesias, 36 ans, candidat au niveau national pour détrôner, en décembre, le conservateur Mariano Rajoy de la présidence du gouvernement espagnol.

Podemos et ses alliés concentrent leurs flêches sur "ce cher Artur Mas", attaqué pour ses "pactes" avec le parti de M. Rajoy en matière de droit du travail ou de fiscalité.

- Référendum d'autodétermination -

"Le gouvernement régional de M. Mas a mené en Catalogne les politiques d'austérité les plus dures d'Espagne et avait peu d'espoir de capter des votes de gauche", commente l'analyste Joan Botella, doyen de la Faculté de sciences politiques de l'Université autonome de Barcelone.

L'échec de son camp aux municipales, en mai, "lui a fait prendre conscience du risque de victoire des +indignés+ aux élections catalanes", ajoute M. Botella. Cela explique "la formation de l'étrange coalition rassemblant les indépendantistes de son parti, clairement de droite et néo-libéral, et ceux de formations de gauche".

De son côté, Podemos s'est allié avec deux formations écolo-communistes catalanes, ICV et EUIA. Et selon plusieurs sondages, cette liste arriverait troisième, juste derrière Ciudadanos, nouveau parti de centre droit résolument anti-indépendance.

Podemos trouve beaucoup de soutiens auprès des "immigrés de l'intérieur", comme les andalous vivant en Catalogne, nombreux lors de son meeting cette semaine à Mollet del Vallès, près de Barcelone.

"Je suis communiste, ancien ouvrier, Andalou installé depuis 21 ans ici, marié à une Catalane", disait à l'AFP Juan Jaimez Mercado, 62 ans. "L'indépendance, ça ne me dit rien. Je suis un travailleur et ce que je veux, c'est que mes enfants et mes petits-enfants vivent mieux que moi: ça m'est égal que le pays s'appelle Espagne ou Catalogne".

La liste de Podemos et ses alliés se vante en outre d'être "la seule" à accepter le principe d'un référendum d'autodétermination en Catalogne - exactement ce qu'exigeait Artur Mas depuis 2012 - tout en souhaitant que la région reste au sein de l'Espagne.

Podemos offre une issue honorable au camp du oui et a beaucoup à gagner, semble-t-il.

"Curieusement, Podemos se retrouve ainsi au centre du débat politique" entre pro et anti-indépendance "car après les élections, il pourrait faire pencher la majorité d'un côté ou de l'autre", assure M. Torreblanca.

De quoi séduire aussi les "indignés" indécis, telle Sara Gonzalez, institutrice sans poste, qui hésite à "voter pour eux ou pour la CUP" (extrême gauche, indépendantiste). "Nous sommes beaucoup à penser que le modèle de l'Etat actuel est obsolète. Mais la priorité évidente, c'est le quotidien: les gens ont besoin d'un travail, d'un logement".

18/09/2015 14:29:34 - Barcelone (AFP) - Par Laurence BOUTREUX - © 2015 AFP