Otan : querelle d'argent au sommet

Donald Trump, qui exige le partage du fardeau financier, utilise la garantie américaine de protection pour obtenir des concessions commerciales de l'Europe.

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« Aux yeux de Donald Trump, seul compte l’argent », a expliqué son conseiller à la Sécurité nationale, John Bolton.

« Aux yeux de Donald Trump, seul compte l’argent », a expliqué son conseiller à la Sécurité nationale, John Bolton.

© JIM WATSON / AFP

Temps de lecture : 5 min

Avec Donald Trump d'un côté et les 29 alliés des États-Unis de l'autre, le sommet de l'Otan, mercredi 11 et jeudi 12 juillet à Bruxelles, risque fort de se réduire à une querelle de gros sous. La dispute, il est vrai, est explosive : l'ancien secrétaire général de l'organisation, le Danois Anders Fogh Rasmussen, a prévenu que l'Otan menaçait « de plonger dans sa crise la plus grave depuis sa fondation ». Le président des États-Unis a pris sa plume pour sermonner, avant la rencontre, plusieurs États membres européens dont le budget de la défense est à ses yeux insuffisant. « Ce n'est plus supportable », leur écrit-il.

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« Aux yeux de Donald Trump, seul compte l'argent », a expliqué son conseiller à la Sécurité nationale, John Bolton, à la ministre allemande de la Défense, Ursula von der Leyen, le 20 juin à Washington. Le président américain, comme ses prédécesseurs avant lui, se plaint que le « partage du fardeau » au sein de l'Alliance atlantique soit déséquilibré. Les États-Unis financent sur leurs deniers la défense de l'Europe puisque leurs dépenses de défense, font-ils valoir, sont bien supérieures à celles de ses partenaires.

Intérêts commerciaux

Ce qui change cependant par rapport aux précédents présidents américains, c'est non seulement l'agressivité inouïe des propos de Donald Trump contre les alliés européens, mais aussi le fait qu'il subordonne l'alliance politico-militaire transatlantique, fondement de la sécurité de l'Europe depuis 1949, aux intérêts commerciaux des seuls États-Unis. L'Otan, à ses yeux, est « obsolète ». Elle est même « aussi mauvaise que l'Alena », l'Accord de libre-échange nord-américain contre lequel il ne cesse de pester. « Parfois, nos pires ennemis sont nos soi-disant amis et alliés », a-t-il lâché le 28 juin. Quant à l'Union européenne, elle « a été créée pour attaquer notre tirelire », a-t-il soutenu.

Selon certains experts, Donald Trump ne s'intéresse à la relation transatlantique que dans la mesure où elle pourrait pousser les Européens à acheter plus, et vendre moins, aux États-Unis. « Il entend exploiter le complexe de culpabilité des Européens sur les dépenses de défense, ainsi que leur peur d'être abandonnés par l'Amérique, pour arracher des concessions sur ce qui compte vraiment pour lui : la réduction du déficit commercial américain », explique Jeremy Shapiro, directeur de recherche au European Council on Foreign Relations.

Pour Robin Niblett, directeur du think tank britannique Chatham House, « nous ne sommes plus dans une alliance mutuelle fondée sur la règle du un pour tous, tous pour un, mais dans un racket de protection ». Selon lui, « le président Trump tente d'utiliser la puissance militaire prépondérante des États-Unis pour forcer les pays européens à céder dans le dossier commercial ». La querelle ne porte donc pas tant sur le niveau des dépenses européennes mais sur le droit de la superpuissance américaine de respecter ou de violer à sa guise les règles internationales.

Des budgets en hausse

Au vu des chiffres bruts cependant, le déséquilibre est patent. Les États-Unis consacrent 3,57 % de leur produit intérieur brut (PIB) à la défense, selon les chiffres de l'Otan, un montant qui est, en valeur absolue, supérieur au budget militaire cumulé de l'ensemble des 28 autres États membres. Mais ces données sont à relativiser, car le terrain de jeu des États-Unis est planétaire. Dans leur budget de défense, seule une partie, environ un cinquième selon des experts, est vraiment consacrée à l'Otan. Si l'on examine le seul budget de l'organisation internationale, on constate que les États-Unis en fournissent 22 %, l'Allemagne 14 %, la France et le Royaume-Uni 10 % chacun. Au regard du poids économique des États membres, ces parts ne semblent pas disproportionnées.

Côté européen, quatre pays remplissent déjà l'objectif que se sont fixé les Alliés en 2014, à savoir que leur budget de défense atteigne un minimum de 2 % de leur PIB d'ici à 2024. Il s'agit de la Grèce, du Royaume-Uni, de l'Estonie et de la Pologne. Quatre autres en sont proches : la France avec 1,79 % du PIB l'an dernier, la Roumanie, la Lituanie et la Lettonie. Mais certains États membres en sont très loin, notamment l'Allemagne, qui consacre seulement 1,24 % de son PIB à la défense en 2017 – bien que Berlin ait nettement relevé son budget militaire depuis deux ans. D'autres encore, comme l'Italie, l'Espagne, les Pays-Bas ou la Belgique, font pire.

Rencontre Trump-Poutine

Collectivement, les efforts des Alliés sont indéniables. Depuis 2014, les États membres de l'Otan hors États-Unis (Europe + Canada) ont ajouté 87 milliards de dollars à leurs budgets militaires, selon le secrétaire général de l'Alliance, Jens Stoltenberg. La hausse, en termes réels, s'accélère. Elle a été de 1,83 % en 2015, 3,14 % en 2016, 5,21 % en 2017. L'Otan a déployé une force de dissuasion en Pologne et dans les États baltes face à l'attitude agressive de la Russie. Elle joue un rôle croissant dans la lutte antiterroriste. Elle va se doter de deux nouveaux quartiers généraux, l'un pour améliorer la mobilité des troupes en Europe et l'autre pour superviser la sécurité des lignes de communication entre l'Amérique du Nord et l'Europe. Elle va ouvrir prochainement des discussions d'adhésion avec la Macédoine.

Ironiquement, l'Otan n'a probablement jamais été aussi performante qu'aujourd'hui sur le plan militaire. Mais l'Alliance politique transatlantique, dont elle est censée être l'incarnation sécuritaire, est lézardée de partout. Le président Trump a fait de la critique de l'Union européenne, et de l'Allemagne en particulier, un trait dominant de sa politique étrangère. La scène est installée à Bruxelles pour un affrontement américano-européen qui, après le désastreux sommet du G7 début juin au Canada, pourrait contribuer à miner un peu plus la cohésion de l'Alliance. Le seul à s'en réjouir devrait être le président russe, Vladimir Poutine, que Donald Trump va rencontrer le 16 juillet à Helsinki.

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Commentaires (21)

  • Raphael B.

    ... L'Outrance Transatlantique d'une Amérique Nationaliste

  • Eponyme

    Il est grand temps pour les 27 pays de l'Union européenne de cesser de pleurnicher auprès des USA et d'implorer son soutien militaire et économique... Avec son président comme Trump il n'y a rien à espérer de quelqu'un qui a gagné ses millia

  • ladoga

    Je pense plutôt au près de 40 milliards de dollars de matériel que des pays européens ont achetés aux firmes US l'Anne passée. Qu'on commence par se fâcher avec eux.