L'Iran se tourne vers l'Est, signe d'impatience vis-à-vis de l'Occident

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L'Iran se tourne vers l'Est, signe d'impatience vis-à-vis de l'Occident
L'Iran se tourne vers l'Est, signe d'impatience vis-à-vis de l'Occident © Site web du guide suprême iranien/AFP/Archives

Temps de lecture : 4 min

Le guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, a récemment donné un signal fort en faveur du développement des liens avec l'Est, signe de l'impatience de l'Iran face au manque de progrès dans ses relations avec l'Occident.

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En 1979, l'un des slogans les plus populaires de la révolution était "Ni Ouest, Ni Est, République islamique", marquant la volonté du nouveau pouvoir de ne favoriser aucune des grandes puissances de l'époque, c'est-à-dire les États-Unis ou l'Union soviétique.

Près de quarante plus tard, le numéro un iranien a déclaré il y a quelque jours qu'"en matière de politique étrangère, préférer l'Orient à l'Occident (...) est une de nos priorités".

Les analystes estiment que ces propos ne changent pas le principe de base de l'Iran rejetant l'influence des puissances étrangères, quelles qu'elles soient. Cela suggère toutefois que la dernière tentative de détente avec Washington --grâce à l'accord sur le nucléaire -- s'est essoufflée.

Cet accord a été conclu en 2015 entre l'Iran et les grandes puissances du groupe 5+1 (États-Unis, Chine, Russie, France, Royaume-Uni et Allemagne).

L'ayatollah Khamenei "a souligné à plusieurs reprises que l'accord de 2015 était un test pour voir si des négociations avec l'Occident pouvaient donner des résultats positifs", a déclaré à l'AFP Ellie Geranmayeh, du European Council on Foreign Relations.

"Les dirigeants iraniens estiment que les Etats-Unis agissent de mauvaise foi (...). La déclaration de Khamenei est un feu vert à la concentration des efforts diplomatiques dans les relations avec la Chine et la Russie", a-t-elle ajouté.

'Pas des subordonnés'

Les déclarations de M. Khamenei vont de pair avec les menaces du président américain Donald Trump de sortir de l'accord nucléaire et de réimposer des sanctions à l'Iran s'il n'accepte pas de limiter son programme balistique et ses "activités déstabilisantes" au Moyen-Orient.

Même avant Trump, l'Iran avait déjà le sentiment que Washington ne respectait pas ses engagements, en particulier à cause des sanctions non liées au nucléaire qui entravent, selon Téhéran, ses relations bancaires avec le reste du monde et les investissements étrangers.

Pour soutenir leur position, les responsables iraniens soulignent que l'accord nucléaire insiste sur le fait que les États-Unis doivent "s'abstenir de toute politique qui affecte directement ou de manière défavorable la normalisation des relations commerciales et économiques de l'Iran" avec le reste du monde.

"Dès le premier jour, les États-Unis, sous l'administration (de Barack) Obama, ont commencé à violer (...) l'accord", affirme Mohammad Marandi, analyste politique et professeur à l'université de Téhéran.

Selon lui, la déclaration de M. Khamenei souligne simplement que les relations avec les pays de l'Est et asiatiques sont beaucoup plus fortes aujourd'hui, en particulier depuis le rapprochement à travers le conflit syrien de l'Iran et la Russie, alliés indéfectibles du régime de Bachar al-Assad.

"Les relations de l'Iran avec la Russie, la Chine et un nombre croissant de pays asiatiques sont aujourd'hui bien meilleures qu'avec les pays occidentaux parce qu'ils nous traitent beaucoup mieux", affirme M. Marandi.

Ainsi, la Chine est devenue le premier partenaire économique et commercial de l'Iran depuis plusieurs années.

Et selon des chiffres officiels sur les échanges commerciaux de Téhéran, entre avril et juillet (premier trimestre de l'année iranienne) 2017, la Corée du Sud se place au troisième rang des pays exportateurs vers l'Iran, la Turquie en quatrième position et l'Inde en cinquième position.

Approche pragmatique

La République islamique s'est montrée très flexible en matière de politique étrangère, estiment des analystes.

"L'Iran a adopté une approche pragmatique à l'égard des États-Unis lorsque ses intérêts le recommandaient", affirme Mme Geranmayeh.

Elle faisait notamment référence à la coopération avec Washington en 2001, au moment de l'invasion américaine de l'Afghanistan pour chasser les talibans du pouvoir.

Et en avril 2015, trois mois avant la conclusion de l'accord nucléaire, M. Khamenei avait laissé la porte ouverte à une amélioration des relations avec les Etats-Unis.

"Si l'autre partie cesse son obstination habituelle, (...) nous pourrons alors constater qu'une négociation est possible avec eux sur d'autres sujets également", avait-t-il déclaré.

Les exportations pétrolières de l'Iran ont plus que doublé depuis l'accord nucléaire, qui a permis la levée d'une partie des sanctions internationales, et le commerce avec l'Europe a bondi.

Mais les menaces américaines ont refroidi les investisseurs étrangers et les grandes banques internationales, les Européens restant plus vulnérables face aux pressions américaines que les Chinois ou les Russes.

"Si les Européens n'ont pas le courage de résister face aux États-Unis, ils ne doivent pas s'attendre à devenir nos partenaires", souligne M. Marandi.

"Si certaines portes se referment et d'autres s'ouvrent, nous n'allons pas attendre indéfiniment devant les portes fermées", dit-il encore.

26/02/2018 10:52:56 -          Téhéran (AFP) -          © 2018 AFP