Crise politique : Espagne cherche gouvernement...

Cinquante jours après les législatives, le pays n'a toujours pas de gouvernement, les partis n'arrivant pas à se mettre d'accord. Comment sortir de l'impasse ?

Crise politique : Espagne cherche gouvernement...

    Chaque lundi soir, elle quitte sa petite île de Minorque dans les Baléares, direction la capitale, Madrid. Mae de la Concha fait partie des 69 députés de Podemos qui ont fait leur entrée au Parlement en janvier dernier. Une nouvelle vie pour cette libraire francophile, rendue compliquée par l'absence de gouvernement. « J'ai beaucoup de chance, je suis hébergée chez une amie lorsque je viens à Madrid, mais j'ai des collègues qui se retrouvent dans des petites pensions, car ils n'osent pas louer d'appartement ni signer de contrat pour le gaz, l'électricité, l'Internet. Imaginez qu'il y ait de nouvelles élections en juin ou juillet prochain... »

    Le scénario est effectivement plausible, car, un mois et demi après les législatives, l'Espagne peine à former son nouveau gouvernement. Vainqueur en nombre de sièges au Parlement, le Parti populaire (droite) de Mariano Rajoy a été contraint de renoncer à diriger le pays pour le moment, faute de soutiens suffisants. Le roi Felipe a donc chargé le leadeur socialiste Pedro Sanchez, dont le parti est arrivé deuxième aux élections, de former la nouvelle équipe dirigeante. Seulement, lui non plus ne peut pas gouverner seul.

    « La situation est inédite depuis la restauration de la démocratie en Espagne, explique le politologue Francisco de Borja Lasheras. Jamais auparavant nous n'avions eu de système dans lequel il y avait quatre partis clés (NDLR : le Parti populaire, le PSOE, Ciudadanos et Podemos). Le problème, c'est que chacun a ses exigences, ses lignes rouges à ne pas franchir pour accepter de cohabiter avec les autres. Toute la question est de savoir si ces lignes rouges finiront par devenir blanches ou pas. »

    Pour le moment, les centristes de Ciudadanos et les radicaux de Podemos, par exemple, refusent de faire partie d'un même gouvernement. Pedro Sanchez pourrait donc être contraint de faire un choix. Une chose est sûre, les discussions peuvent encore durer plusieurs semaines et, en attendant, les réformes n'avancent pas, comme le souligne le député centriste Miguel Gutiérrez. « Il y a de nombreux défis qui nous attendent, il faut changer la loi électorale, mettre en place un plan de lutte contre la corruption, prendre de nouvelles mesures sociales et économiques en faveur des plus pauvres, il faut aussi que nous remplissions nos objectifs de déficit vis-à-vis de Bruxelles, donc ce serait bien que la situation se débloque. »

    Le point positif dans tout ça ? Le pouvoir n'est aujourd'hui plus concentré dans les mains d'un seul parti, ce qui limite les risques de dérives. « A l'époque du bipartisme, des erreurs ont été commises, explique José Torreblanca, professeur de sciences politiques, la réussite était trop facile, on a eu des scandales de corruption, des lois votées en solitaire sans recherche du consensus. Désormais, les députés vont devoir apprendre à légiférer en cherchant des compromis. Peut-être qu'il y aura moins de lois votées, mais au moins ce seront des lois qui feront l'unanimité. »

    Une vision optimiste qui semble aller dans le sens de ce que veulent les Espagnols. Selon un récent sondage, ils sont plus de 60 % à souhaiter qu'une solution soit trouvée afin de ne pas retourner aux urnes.