Taxe Gafa : Trump hausse le ton envers la France

Faute de consensus européen, la France part seule à la conquête d’une juste fiscalité sur les géants du numérique. Le président américain veut une enquête pour discrimination.

 Donald Trump n’apprécie pas l’instauration d’une taxe de 3% sur les activités en France des grands groupes internationaux du secteur numérique.
Donald Trump n’apprécie pas l’instauration d’une taxe de 3% sur les activités en France des grands groupes internationaux du secteur numérique. AFP/Saul Loeb

    Le bras de fer est engagé! Avec le vote final ce jeudi par le Sénat du Projet de loi portant création d'une taxe sur les services numériques, la France montre à la fois l'exemple et se met en danger. Faute d'accord européen, le gouvernement a décidé d'instaurer une taxe de 3 % sur les activités en France des grands groupes internationaux du secteur numérique. Surnommée « taxe GAFA », tant elle cible Google, Apple, Facebook et Amazon, cette taxe doit en fait toucher une trentaine de groupes américains et chinois, ainsi que le spécialiste français du ciblage publicitaire, Criteo, et doit rapporter 500 millions d'euros par an. Une paille pour ces géants du numérique.

    « C'est une taxe destinée à sanctionner les entreprises américaines de manière disproportionnée », avait prévenu dès mercredi Robert Lighthizer, le représentant américain au Commerce, avant d'annoncer l' ouverture d'une enquête, à la demande du président Donald Trump. Un coup de pression de plus sur la France basé sur le Trade Act de 1974. Ce texte permet d'enquêter sur des suspicions de pratiques commerciales pénalisantes à l'égard des Etats-Unis, et, le cas échéant, de justifier des mesures de rétorsions, telles que taxes douanières.

    «Régler nos différends autrement que par la menace»

    Dès jeudi matin, le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire s'est défendu : « Je crois profondément qu'entre alliés, nous devons et nous pouvons régler nos différends autrement que par la menace », a-t-il insisté devant le Sénat.

    « En voulant surtaxer unilatéralement des acteurs américains, Bruno Le Maire a déclenché une guerre commerciale qui pénalisera de nombreux secteurs », s'emporte Giuseppe de Martino, président de l'ASIC, le lobby français de l'économie numérique, qui demande l'enterrement de cette taxe.

    Quels secteurs pourraient être victimes de la riposte américaine? Diverses sources évoquent u ne surtaxe du vin (mais c'était déjà dans les tuyaux) et des voitures (la France n'en vend quasiment pas aux Etats-Unis), ainsi que le doublement de l'impôt sur les entreprises et résidents français aux Etats-Unis.

    Un texte européen de compromis pour 2020 ?

    « Il était absolument nécessaire de mettre sur la table le cas de la fiscalité de ces grandes entreprises internationales qui font de façon flagrante de l'optimisation fiscale, plaide l'économiste Jean Pisani-Ferry, enseignant à Sciences-po, que nous avons interrogé. Mais en ciblant des entreprises américaines – ne parle-t-on pas de « Taxe Gafa » ? – le texte prête le flanc à la critique. Il aurait fallu l'élargir à d'autres secteurs, par exemple le luxe », estime l'économiste.

    Si la France est seule et première à légiférer, elle n'est pas seule à vouloir remettre de l'ordre fiscal. Faute de consensus européen, l'OCDE (L'Organisation de coopération et de développement économiques), qui regroupe 37 pays, s'est saisie du dossier et assurait en janvier dernier avoir l'accord de principe de 127 pays pour réformer la fiscalité au niveau mondial.

    Dans l'idéal, un texte de compromis pourrait être présenté dès 2020. Si tel est le cas, on pourra dire que la France a eu raison de montrer la voie. Dans le cas contraire…