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Maintenant, c'est l'heure de la France !

Nous n'échapperons pas à la création d'une République européenne sur l'espace de la zone euro

Publié le 12 décembre 2011 à 09h30, modifié le 12 décembre 2011 à 18h52 Temps de Lecture 4 min.

L'histoire ne se répète pas, et pourtant : en 1994, l'Allemagne avait proposé à la France l'union politique sur un plateau, sous la forme du fameux rapport Schäuble-Lames sur le "noyau dur". Mais la France n'a pas accepté les propositions de ce rapport. Pire, elle n'avait même pas adéquatement répondu. A l'époque, c'était les différends entre l'UDF et le RPR sur l'Europe qui l'avaient empêché. L'Allemagne a été fortement déçue. Pour elle, déjà à l'époque, l'union politique était la nécessaire contrepartie de l'union monétaire, qu'elle avait acceptée comme préalable, ex-ante et sans garanties de la part de ses partenaires.

Aujourd'hui, face à la crise de l'euro, qui a pris un caractère alarmant ces dernières jours, le sommet européen du 9 décembre est supposé produire une déclaration franco-allemande qui sanctionnerait une forte poussée vers une union fiscale et politique de l'UE. Une réforme des traités européennes est prévue, au besoin sur la base de la "méthode Schengen", afin d'apaiser les marché et leur donner une ligne claire sur les prochains pas à entreprendre dans la zone euro pour réformer en profondeur son système institutionnel.

Mais le défi n'est pas uniquement de savoir organiser la surveillance fiscale en contrepartie d'une solidarité allemande sous forme d'eurobonds, comme Jean Pisani-Ferry l'a détaillé à juste titre dans Handelsblatt la semaine dernière. Il est vrai que l'on ne peut pas exiger de l'Allemagne une mutualisation de la dette dont ses contribuables seront redevables sans être, d'une manière ou d'une autre, en position de contrôler les dépenses des autres. Il est donc question de rompre avec le principe de souveraineté budgétaire, tel qu'il a été conçu dans le passé, et de faire contrôler les budgets par une supra-autorité qui ne peut qu'être européenne. Il sera primordial que la France le comprenne et accepte, ex-ante cette fois-ci (sic !), les propositions allemandes de garantie fiscale.

Pourtant, l'enjeu est beaucoup plus fondamental. La mutualisation de la dette nécessitera, rien que par les exigences légales de Karlsrushe, une reconstitution de la légitimité européenne et une autre forme de collectivisation de certaines décisions qui entraînent des dépenses. Si des garanties fiscales sont la contrepartie des eurobonds, l'union politique est la sœur siamoise d'une communauté des dettes. Pour le dire de facon polémique : il s'agit d'enclencher une révolution mentale pour construire une République européenne : une République, parce que c'est justement le décalage entre décisions économiques et décisions politiques qui a mis l'UE dans le marasme d'aujourd'hui : on a découplé l'Etat et le marché en Europe.

C'est pourquoi il va falloir, une fois que l'on vivra dans une communauté de dettes et que l'on saura organiser nos rapports et nos équilibres socio-économiques ensemble, s'accorder sur les instruments pour ce faire. Ceci comprendra l'organisation du discours franco-allemand, voire européen, sur les choix économiques de la société tout entière. En bref, il faudrait organiser une véritable démocratie européenne autour de ce discours ou alors construire enfin l'Union politique !

C'est là ou les propositions françaises font défaut à ce jour. Pire, on n'a, à nouveau, rien entendu côté français. L'Allemagne a mis entre temps une demi-douzaine de propositions sur la table, aussi bien la CDU à son dernier congrès que les Verts ou le SPD. Parmi elles, il y a l'élection au suffrage direct du président de la Commission, la possibilité d'élire une partie des députés européens sur des listes transnationales, la création du bicaméralisme (par exemple une deuxième chambre composée des membres des commissions du budget de tous les Parlements nationaux de la zone euro), la réduction du nombre de Commissaires ; ou encore l'adaptation du Parlement européen au poids démographique de Etats.

Toutes les propositions visent à la politisation du système institutionnel européen. Il s'agit d'accroitre sa légitimité, sa proximité avec les citoyens et de faciliter des discussions transnationales sur les grands choix de société. Mais que veut la France, et qu'est-elle prête à accepter ? On ne pourra, en fin de compte, se restreindre à un gouvernement économique. Après tout, il faudra un gouvernement tout court, au sens d'une capacité européenne à prendre des décisions plus ou moins collectives et mutuellement consenties sur tout ce qui a trait au budget, de la défense à l'éducation. Le Parlement de la future zone euro disposerait donc ultérieurement d'une toute autre légitimité !

Force est de constater que le saut vers une union fiscale demandera un sursaut politique qui secouera les fondements de la République française, y compris dans sa relation conflictuelle avec la démocratie parlementaire basée sur les mauvais souvenirs de la IV République. De même que l'introduction des eurobonds - ou la solution "bancaire" privilégiée par la France, qui donnerait à la BCE un rôle comparable à celui de la FED américaine - transformera la philosophie même ("no bail-out") sur les bases de laquelle l'Allemagne avait somme toute accepté l'euro.

C'est donnant donnant ! L'Europe le vaut ! France, faites vos jeux ! Cette fois-ci, l'histoire exige une réponse de la France...

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