La promesse de David Cameron d'organiser un référendum sur l'appartenance du Royaume-Uni à l'Union européenne (UE) s'il était réélu premier ministre jette le doute sur l'avenir européen du pays.
L'annonce de cette initiative, le 23 janvier, a suscité de vives critiques, ses opposants estimant que, peu importe le résultat final, elle allait ouvrir une période d'incertitude prolongée qui risque d'avoir des conséquences dévastatrices sur l'économie britannique dans les cinq années à venir, tout particulièrement sur le plan des investissements étrangers.
Toutefois, alors même que les Britanniques débattent d'une éventuelle sortie de l'UE, Londres continue de jouer un rôle constructif dans le renforcement de la politique étrangère européenne. La troisième édition du "Bulletin de notes de la politique étrangère européenne", publiée le 31 janvier, atteste d'un leadership britannique dans plusieurs dossiers-clés, montrant ainsi que le Royaume-Uni apporte une précieuse contribution au renforcement de la puissance européenne dans le monde.
2012, ANNÉE DE LA RÉSURGENCE DE LA "QUESTION BRITANNIQUE"
Si 2011 fut l'année de l'Allemagne, ou plutôt des interrogations que suscitait la nouvelle place prise par celle-ci en Europe, on peut admettre que 2012 fut celle de la résurgence de la "question britannique".
Durant les douze derniers mois, la réponse britannique à la crise de la zone euro et le débat sur la sortie de l'UE ont beaucoup irrité ses partenaires et semé la confusion non seulement parmi les pays membres de la zone euro, mais aussi dans les pays qui s'apprêtent à adopter la monnaie unique, comme la Pologne.
A nos yeux, un retrait de l'UE aurait des conséquences désastreuses tant pour le Royaume-Uni que pour l'Europe dans son ensemble. Mais qu'il décide ou non de quitter l'Union, un danger plus grave encore, l'apparition progressive d'une Europe à plusieurs vitesses, guette le marché unique et la politique étrangère européenne.
Cela étant dit, notre évaluation de la politique étrangère de l'UE et de ses Etats membres au cours de l'année 2012 montre que, malgré leur isolement progressif au sein de l'Union, les Britanniques ont continué de jouer un rôle constructif pour la défense des intérêts et la promotion de ses valeurs dans le monde.
Des divergences existent bien avec le continent, notamment à propos de la gouvernance de l'Union et de la politique étrangère - Londres refuse d'étendre les pouvoirs de Bruxelles en la matière. Mais les intérêts stratégiques du Royaume-Uni sont restés similaires à ceux des autres pays européens.
De plus, comme l'a montré l'intervention en Libye en 2011, quand il s'agit de l'emploi de la force militaire, le Royaume-Uni est plus proche de la France que ne l'est actuellement l'Allemagne.
LE RÔLE DE LA DIPLOMATIE
L'absence d'initiatives britanniques dans certains dossiers cruciaux, telles les relations de l'UE avec la Chine et la Russie, est notoire. L'importance des échanges commerciaux allemands avec ces deux puissances place de facto Berlin dans un rôle de leader dans la gestion de ces dossiers.
Mais cette position de retrait n'empêche pas le Royaume-Uni de montrer l'exemple dans bien d'autres domaines. Le rôle de la diplomatie britannique au sein du groupe E3 + 3 (qui rassemble la France, l'Allemagne, le Royaume-Uni, les Etats-Unis, la Russie et la Chine), qui mène les négociations avec l'Iran ou encore à l'ONU lors des débats sur le nouveau cadre d'aide au développement, est un exemple parlant.
Et si le Royaume-Uni n'était pas toujours en position de leader en 2012, le pays a globalement soutenu la mise en oeuvre de la politique étrangère commune. Si l'on regarde de près les soixante-dix-neuf dossiers de politique étrangère analysés dans le "Bulletin de notes de la politique étrangère européenne", les Britanniques n'ont fait preuve de paresse diplomatique qu'à une seule occasion, lorsqu'ils ont manqué d'appuyer la Commission européenne dans ses négociations avec la Chine pour la signature d'un traité établissant la réciprocité de l'accès aux marchés publics.
Certains critiques affirment que l'Union européenne se porterait mieux sans le Royaume-Uni. La politique étrangère de l'UE gagnerait ainsi en cohérence et en efficacité. L'obstructionnisme britannique serait la raison principale du manque d'efficacité du Service européen d'action extérieure, le nouveau corps diplomatique européen créé par le traité de Lisbonne.
L'UNE DE SES MEILLEURES FORCES ARMÉES DE L'UNION
Pourtant, une sortie du Royaume-Uni se traduirait pour l'UE par une perte significative de moyens. L'Union perdrait, elle, non seulement l'une de ses économies les plus puissantes, mais aussi, sans doute, l'une de ses meilleures forces armées et enfin une grande partie de ses ressources diplomatiques, après la perte du siège permanent au Conseil de sécurité de l'ONU dont dispose le Royaume-Uni.
En d'autres termes, une sortie du Royaume-Uni se traduirait par une grande détérioration de la capacité des Européens à faire usage de la force militaire au moment où de proches crises politiques et sécuritaires (la Libye en 2011 et le Mali aujourd'hui) peuvent rendre nécessaire une intervention armée.
La politique étrangère requiert un savant mélange de ce que l'on a coutume de nommer le hard power et le soft power. Si l'on excepte le travail efficace de la Commission européenne dans les rounds de négociations commerciales internationaux, l'Europe peine aujourd'hui à faire l'usage de ses outils de puissance militaire. Une sortie éventuelle du Royaume-Uni risque de contraindre l'UE à ne pouvoir faire usage que des simples leviers de son soft power.
A une époque où le modèle européen d'intégration régionale, écorné par la crise de la zone euro, ne fait plus recette comme avant, voilà qui n'est pas de bon augure.
Traduit de l'anglais par Pirro Vengu
Susi Dennison, Hans Kundnani chercheurs auprès du think tank European Council on Foreign Relations (ECFR)
Voir les contributions
Réutiliser ce contenu