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Antonio Guterres, futur secrétaire général de l’ONU

Ancien premier ministre portugais, ce socialiste modéré et pro-européen a gagné ses galons en tant que haut-commissaire de l’ONU aux réfugiés

Par  (New York, Nations unies, correspondante)

Publié le 06 octobre 2016 à 00h45, modifié le 06 octobre 2016 à 15h03

Temps de Lecture 4 min.

Antonio Guterres n’est pas encore officiellement élu, mais il a déjà réussi un coup de maître : réunir sur une même photo de famille les quinze diplomates du Conseil de sécurité des Nations unies – notamment le Russe Vitali Tchourkine et l’Américaine Samantha Power, qui sont à couteaux tirés mais ont su mettre de côté leurs divergences sur la Syrie pour s’accorder sur le nom du Portugais à la tête de l’ONU. Tout sourire, M. Tchourkine, qui présidera le Conseil de sécurité en octobre, a glissé aux journalistes présents : « Vous êtes les témoins, je pense, d’une scène historique. »

A 67 ans, l’ancien premier ministre du Portugal et haut-commissaire aux réfugiés – de 2005 à 2015 – a donc été choisi, mercredi 5 octobre, pour devenir le neuvième secrétaire général de l’ONU et le premier Européen à occuper ce poste depuis l’Autrichien Kurt Waldheim (1972-1981). M. Guterres a été désigné au terme de six scrutins informels qu’il a largement survolés et, pour la première fois dans l’histoire de l’ONU, à l’issue de débats publics où l’ensemble des Etats membres ont pu interroger les candidats.

« Capacité d’adaptation »

Il doit maintenant obtenir l’approbation officielle du Conseil de sécurité, censé se réunir dès jeudi. Son nom sera ensuite soumis aux 193 Etats membres de l’Assemblée générale de l’ONU, qui pourraient entériner avant la mi-octobre l’élection du successeur de Ban Ki-moon, dont le mandat arrive à expiration le 31 décembre.

« Nous avons un candidat dont l’expérience, la vision, la capacité d’adaptation sur un grand nombre de sujets ont fini par convaincre. C’est remarquable qu’il n’y ait eu ni contentieux ni controverse, s’est félicité la représentante américaine. Tous les jours, nous nous rendons au Conseil de sécurité où nous aspirons à l’unité que l’on a pu observer aujourd’hui. Et avec une crise aussi terrifiante que celle qui se joue actuellement en Syrie, l’urgence d’obtenir cette unité est évidente. »

Visage rond et affable, M. Guterres devrait prendre la tête d’une organisation qui connaît sa pire crise institutionnelle depuis la guerre en Irak. Les conflits en Syrie et au Yémen, et l’incapacité des Nations unies et de son actuel secrétaire général à y mettre un terme, ont plongé l’ONU dans une grave crise morale.

« Ami de la France et francophone »

« M. Guterres pourrait bien vite regretter d’avoir été choisi », analyse Richard Gowan, expert au Conseil européen des relations internationales. Dès les premières semaines, il sera jugé sur sa capacité à gérer les blocages au sein du Conseil de sécurité et à répondre à l’urgence des crimes de masse en Syrie, au Yémen ou au Soudan du Sud. « C’est un rassembleur, un excellent connaisseur des dossiers diplomatiques et du système onusien. Un vrai ami de la France et un francophone », souligne le représentant français à l’ONU, François Delattre, qui assure que « c’était le candidat de la France depuis le premier jour ».

Né à Lisbonne le 30 avril 1949, M. Guterres a une formation d’ingénieur. Fervent pratiquant, il entame son parcours politique auprès de mouvements catholiques. Mais c’est la « révolution des œillets », en 1974, qui met fin à cinquante ans de dictature, qui le pousse à s’engager. Il rejoint le Parti socialiste (PS) et siège de longues années au Parlement où son verbe facile lui vaut le surnom de « Marteau-Piqueur parlant ».

En 1992, il devient secrétaire général du PS. Sa victoire aux législatives de 1995 le propulse au poste de premier ministre. Européen convaincu, il fait rentrer son pays dans la zone euro. Mais la conjoncture économique se détériore et M. Guterres abandonne ses mandats politiques après avoir perdu les élections de 2001.

Grand défenseur des droits de l’homme

Il reste président de l’Internationale socialiste, avant de devenir, en 2005, haut-commissaire aux réfugiés, jusqu’en 2015. Il laisse l’image d’un patron « charismatique », « humble et humain », « travailleur acharné et méthodique », selon d’anciens collaborateurs. Dans ce cadre, il a dû affronter la pire crise migratoire depuis la fin de la seconde guerre mondiale avec l’exode de 4 millions de Syriens jetés sur les routes par la guerre. Il a réformé son agence en réduisant notamment d’un tiers les effectifs à Genève pour envoyer plus de personnel sur le terrain et répondre aux situations d’urgence.

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« Je suis totalement engagé parce que je sais ce que j’ai ressenti à la tête du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés pendant dix ans », déclare-t-il lors d’un débat entre les candidats au poste de secrétaire général organisé par le quotidien britannique The Guardian cet été. « Vous ne pouvez imaginer ce que c’est que de voir de tels niveaux de souffrance », s’insurge alors celui qui a promis d’être le porte-voix des opprimés. Grand défenseur des droits de l’homme, il est très respecté par les organisations non gouvernementales.

Mais sa nomination pose la question du soutien de la Chine et de la Russie, qui ne sont pas connues pour leur militantisme dans ce domaine. Pékin a, semble-t-il, maintenu de très bonnes relations avec M. Guterres, qui était premier ministre lorsque la colonie portugaise de Macao est revenue sous souveraineté chinoise, en 1999. Quant aux Russes, un expert les suspecte « d’avoir sécurisé un certain nombre de postes de haut niveau au sein du secrétariat » pour se rallier à la candidature de M. Guterres et accepter de voir un pays membre de l’OTAN à la tête de l’organisation internationale, alors qu’ils insistaient pour un candidat d’Europe de l’Est en vertu d’une règle de rotation géographique.

Reste, selon Richard Gowan, que M. Guterres est un « excellent choix » et qu’il « pourrait donner à l’ONU le genre de coup de pied au derrière dont elle a besoin ».

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