C’est un rituel annuel. Chaque mois d’octobre, l’ONU renouvelle cinq des dix sièges des membres non permanents du conseil de sécurité, pour un mandat de deux ans. Mais, situation inédite, à partir du 1er janvier 2016, l’Ukraine va siéger aux côtés de la Russie qui dispose d’un siège permanent et du droit de veto (comme la France, le Royaume-Uni, les Etats-Unis et la Chine), alors que les deux pays sont en conflit depuis l’annexion de la Crimée en 2014.
« C’est une situation unique et inimaginable », a admis Pavlo Klimkin, le ministre des affaires étrangères ukrainien. La candidature de Kiev a récolté 177 voix sur les 193 pays qui constituent l’Assemblée générale, la preuve, selon lui, que la communauté internationale soutient « l’Etat de droit ».
Cette élection ne présentait aucun suspense, car l’Ukraine était le seul candidat de son groupe régional d’Europe de l’Est, en remplacement de la Lituanie. La Russie ne pouvait donc pas s’y opposer, même si, « bien sûr, elle n’est pas vraiment contente de voir l’Ukraine rejoindre le Conseil », estime le chef de la diplomatie ukrainienne.
Les membres non permanents ne disposent pas du droit de veto, mais ils bénéficient de facto de plus d’influence que les autres 193 Etats membres de l’ONU. Ils ont ainsi la possibilité de saisir le Conseil de sécurité sur des questions ayant trait à la paix et à la sécurité internationale, et de voter des résolutions contraignantes car le Conseil de sécurité est le seul organe exécutif de l’ONU. « L’Ukraine ne va pas se priver de le faire, alors qu’elle se sent éclipsée par la crise syrienne », prédit un diplomate.
« Tribune »
« Nous allons utiliser cette tribune pour appeler à un renforcement de la charte de l’ONU qui a été bafouée par la Russie depuis l’annexion de la Crimée, et mettre la pression pour une réforme de l’ONU et du droit de veto », prévoit Yegor Pyvovarov, premier secrétaire de la représentation ukrainienne à l’ONU.
L’Ukraine devrait aussi œuvrer pour établir les responsabilités dans le crash du vol MH 17 de la Malaysian Airlines, le 17 juillet 2014. Kiev estime que Moscou est derrière le tir du missile Buk, qui a détruit le Boeing avec 298 personnes à son bord.
La marge de manœuvre des Ukrainiens sera cependant étroite. « Je pense que les Américains vont continuer à soutenir publiquement les Ukrainiens… mais en privé, ils vont dire à Kiev que la priorité du Conseil de sécurité doit rester le Moyen-Orient (…) et la recherche d’un compromis avec les Russes sur la Syrie », estime Richard Gowan, expert au Conseil européen des relations étrangères.