Après presque deux ans d'efforts, Lakhdar Brahimi jette l'éponge. Dans les couloirs de l'Organisation des Nations unies (ONU), où sa démission était régulièrement annoncée, son départ ne surprend personne. Il était devenu inévitable après l'échec des pourparlers de « Genève 2 » en février. Lui-même ne se faisait guère d'illusions. « Tous les jours, quand je me lève, je pense que je devrais démissionner », lançait-il déjà aux journalistes en avril 2013.
Seule l'insistance du chef de la diplomatie américaine, John Kerry, et du secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, avait fini par le persuader de rester en poste. Le temps de faire asseoir à la même table le gouvernement syrien et l'opposition, et de constater son impuissance à ébaucher une solution politique. Damas a donné le coup de grâce à sa mission en annonçant la tenue, en juin, d'une élection présidentielle que le médiateur de l'ONU juge « incompatible » avec la transition qu'il a voulu mettre en place.
DIALOGUE IMPOSSIBLE
« C'est très triste de quitter ce poste en laissant la Syrie dans un tel état », a lancé M. Brahimi, ajoutant, bravache : « La situation n'est pas désespérée ; il n'y a pas de raison de baisser les bras. » Devant le Conseil de sécurité, le diplomate algérien, 80 ans, a pourtant évoqué un dialogue impossible entre une opposition morcelée en « milliers de groupes armés » et un gouvernement qui n'a jamais véritablement accepté de négocier. Le style discret et feutré de celui que M. Ban considère comme « l'un des diplomates les plus brillants de la planète » n'a pas eu plus de succès que l'approche, davantage médiatique, de Kofi Annan, son précédesseur.
Comme lui, Lakhdar Brahimi s'est heurté à l'intransigeance de Bachar Al-Assad, aux divisions du Conseil de sécurité et à l'ingérence des pays voisins de la Syrie dans le conflit.
Le médiateur n'a même pas pu convaincre les belligérants d'enrayer la folie meurtrière. Au moment de son entrée en fonctions, le 17 août 2012, le bilan s'élevait, selon l'ONU, à 20 000 morts en Syrie. Moins de deux ans plus tard, les estimations font état de plus 120 000 victimes. « Les critiques diront qu'il a été trop lent à approcher les groupes rebelles et qu'il s'est trop concentré sur la relation entre les Etats-Unis et la Russie sans se déplacer suffisamment dans la région, estime Richard Gowan, analyste au Centre pour la coopération internationale de l'Université de New York. Mais il a au moins maintenu le canal diplomatique en vie et montré que l'ONU n'a pas abandonné la Syrie. »
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