A l’heure des tensions croissantes entre la Russie et l’Union européenne, la formule paraît ambitieuse. Igor Dodon, président de la Moldavie depuis novembre 2016 et chef de file de son parti pour les élections législatives de février 2019 – scrutin dont il est le favori –, entend faire de son pays un « pont » entre ces deux grands ensembles rivaux. Présent à Paris pour le Forum pour la paix organisé par Emmanuel Macron, le président socialiste de 43 ans joue une partition délicate. Admirateur affirmé de Vladimir Poutine, dans lequel il voit un modèle, M. Dodon, élu avec 52,1 % des voix, entend préserver les liens entre Chisinau et Bruxelles, matérialisés en 2013 par la signature d’un accord d’association, tout en obtenant un accès au marché russe et en renforçant l’attache « traditionnellement forte » avec Moscou.
C’est précisément ce choix – Union européenne ou Union économique eurasiatique menée par Moscou – qui a précipité l’Ukraine dans la révolution de Maïdan puis la guerre, en 2014. « Les deux côtés ont compris que ces positions dures avaient mené à une impasse. Aujourd’hui, personne ne nous demande de choisir, veut croire Igor Dodon. Au contraire, nous pouvons être un modèle de coopération dans la région. Un échec de cette stratégie serait un désastre, une source de déstabilisation. »
Parmi les six anciennes républiques soviétiques auxquelles l’Union européenne avait proposé un accord d’association, trois (Arménie, Biélorussie, Azerbaïdjan) ont dû refuser par peur de froisser Moscou ou à la suite de pressions directes. Seule l’Arménie, qui a plutôt choisi l’adhésion à l’Union eurasiatique, a par la suite réussi à négocier un accord commercial renforcé avec Bruxelles.
« Un problème politique »
La Moldavie elle-même, pays le plus pauvre d’Europe, subit depuis 2013 différents embargos économiques de la part de la Russie, mis en place officiellement pour des raisons sanitaires. « Lors de ma dernière rencontre avec Poutine, il m’a promis de lever dès le 1er janvier [2019] l’embargo sur les fruits et légumes qui nous touche fortement », assure M. Dodon, qui espère également qu’une telle dynamique pourrait contribuer à résoudre le conflit gelé autour de la Transnistrie, territoire séparatiste qui vit sous la protection de Moscou.
« Le plan de Dodon n’est pas absurde, estime un diplomate européen. Juridiquement, rien ne s’y oppose, et les Russes ont lâché du lest au sujet de la Moldavie ces dernières années. Il s’agit uniquement d’un problème politique. »
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