Mieux vaut ne pas se fier à sa frêle apparence. Maia Sandu fait preuve d’une détermination sans faille qui l’a conduite, quatre ans à peine après la création de son Parti action et solidarité, à devenir la première femme élue présidente de Moldavie.
Portée le 15 novembre par un soutien populaire qu’aucun de ses prédécesseurs n’avait jamais obtenu depuis l’indépendance de cette ancienne petite République soviétique acquise en 1991, cette célibataire de 48 ans, quasi inconnue il y a peu encore, doit être officiellement investie jeudi 24 décembre. « Je suis très fière des Moldaves qui, en dépit des “fake news” et des discours sur le fait que le pays n’était pas prêt pour être dirigé par une femme, m’ont accordé leur confiance », dit-elle, assise droite comme un I dans une résidence de la présidence, à Chisinau, la capitale moldave.
Blanchiment d’argent
Il ne pouvait y avoir pire contexte pour arriver au pouvoir. L’économie nationale, plombée par la pandémie de Covid-19, est en berne et une corruption endémique ronge ce petit pays de 3,5 millions d’habitants niché entre la Roumanie et l’Ukraine, l’un des plus pauvres d’Europe avec un PIB par habitant (3 395 dollars − 2 780 euros) douze fois moins élevé qu’en France.
Tiraillé entre l’Est et l’Ouest, entre deux cultures, roumanophone et russophone, le pays reste amputé d’une partie de son territoire depuis la sécession, en 1992, de la République autoproclamée de Transnistrie qui bat sa propre monnaie et où, depuis lors, des troupes russes restent stationnées. Ajouté à cela un Parlement acquis à son adversaire, l’instabilité chronique d’une bonne partie de ses élus qui changent de parti ou de coalition comme de chemise, et l’on aura une petite idée de ce qui attend la nouvelle présidente.
Pro-européenne, Maia Sandu a battu à plate couture le président sortant pro-russe Igor Dodon, ouvertement soutenu par Moscou, au terme d’une campagne lourde de sous-entendus sur son statut de célibataire sans enfants : 57,7 % des votants ont glissé son nom dans les urnes, et jusqu’à 92 % parmi la diaspora de l’étranger, dont la mobilisation a battu tous les records.
Un million de Moldaves ont en effet quitté le pays, et la tendance s’est encore accélérée en 2016 après le séisme provoqué, un an plus tôt, par la découverte de la disparition de 1 milliard de dollars des caisses de l’Etat, représentant 12,9 % du PIB de la Moldavie. Le choc a été d’autant plus rude qu’il s’est accompagné d’autres révélations sur une vaste opération de blanchiment d’argent, près de 20 milliards d’euros venus de Russie entre 2011 et 2014, qui ont transité par des banques moldaves, avec la complicité de juges. Et bien qu’aujourd’hui en fuite, Vladimir Plahotniuc, l’oligarque le plus influent sur la scène intérieure, continue de peser.
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