Mathieu Duchâtel est directeur adjoint du programme Asie à l’European Council on Foreign Relations (ECFR). Pour ce spécialiste des questions de sécurité en Asie, si la Chine modernise rapidement « tous les domaines de la dissuasion nucléaire », elle conserve d’importantes faiblesses.
L’essai par Pékin d’un missile hypersonique constitue-t-il une surprise ?
Non, car la Chine avait déjà travaillé sur d’autres types d’engins planants hypersoniques par le passé. Son objectif est d’éviter que ses armes soient détectées par les systèmes de défense anti-missiles. Or ceux-ci sont construits pour répondre aux menaces balistiques, pas aux missiles hypersoniques.
Plus largement, la Chine modernise tous les domaines de la dissuasion nucléaire mais elle a des faiblesses. Elle n’a toujours pas démontré sa capacité à faire des patrouilles de sous-marins nucléaires lanceurs d’engins qui ne soient pas détectés. Elle travaille par ailleurs sur de nouveaux missiles balistiques autotractés qui ont été mis en valeur au cours du défilé de septembre 2015. Enfin, la Chine modernise ses bombardiers stratégiques. Mais elle se sent vulnérable. Pour la Chine comme pour la Russie, le système de défense anti-missiles américain détruit ce que Pékin et Moscou nomment la stabilité stratégique.
La Chine veut maintenir une capacité de riposte assurée face à la montée en puissance des technologies anti-missiles. La vulnérabilité de Pékin face au système de défense anti-missiles mis en place par les Etats-Unis y compris en Corée du Sud, le Thaad, est une obsession chinoise.
L’annonce par les Etats-Unis de la création d’une sixième branche des forces armées consacrée à l’espace constitue-t-elle une réponse à cet essai hypersonique ?
Pas directement. L’espace est une des dimensions de la rivalité sino-américaine, notamment parce que les Chinois ont depuis plusieurs années officiellement identifié les satellites américains comme une des vulnérabilités des Etats-Unis en cas de conflit. En 2006, les Chinois ont d’ailleurs détruit un de leurs propres satellites pour montrer qu’ils avaient cette capacité technologique.
On a longtemps dit que la marine constituait la priorité du gouvernement chinois. Aurait-on sous-estimé les progrès dans les autres domaines ?
La marine est la partie la plus visible de l’armée chinoise. Celle qui se déploie sur les mers du monde entier, y compris en Méditerranée. Et le porte-avions est le symbole des efforts des Chinois pour améliorer leur armement. Par ailleurs, la Chine est attirée par le modèle américain capable d’expédier des hommes sur d’autres continents grâce aux porte-avions. C’est pourquoi, en 2015, Pékin a décidé de faire passer de 20 000 à 100 000 le nombre de ses marines.
Il vous reste 42.28% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.