« Les Etats-Unis ne lèveront les sanctions qu’en échange d’un désarmement vérifiable »

Mathieu Duchâtel, spécialiste de l’Asie et de la Chine à l’European Council of Foreign Relations, à répondu aux questions des lecteurs du « Monde ».

  • L'annonce est historique : le président américain, Donald Trump, a accepté de rencontrer le dirigeant nord-coréen, Kim Jong-un, d'ici à la fin du mois de mai.
  • Ces discussions auront lieu après des mois d'escalade et d'essais de missiles balistiques nord-coréens, suivis de sanctions internationales.
  • La Maison Blanche a déclaré que Kim Jong-un s’était engagé à œuvrer à la « dénucléarisation » de la péninsule coréenne et qu’il avait promis de s’abstenir « de tout nouveau test nucléaire ou de missile ».
  • Mathieu Duchâtel, directeur adjoint du programme Asie et Chine de l'European Council on Foreign Relations, a répondu aux questions des lecteurs du Monde.
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Le Monde le 09 mars à 15h03
  
C'est la fin de ce tchat ! Merci pour vos nombreuses questions, et merci à Mathieu Duchâtel qui a pris le temps d'y répondre. Vous pouvez continuer à lire nos analyses et informations sur la crise nord-coréenne, et le reste de l'actualité, sur le Monde.fr.
Le Monde le 09 mars à 15h00
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Peut-on envisager la ratification d'un traité de paix entre les deux Corées sous l’égide des Etats-Unis ?

-Sber81
 
Mathieu Duchâtel : Une fois dans le domaine de la politique fiction, tout est possible, mais il semble plus logique que si les deux Corées signent un Traité de Paix, celui-ci soit purement bilatéral, ne serait-ce que pour une question essentielle, la dignité nationale. 
Le Monde le 09 mars à 14h59
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On sait que la Corée du Nord ne prend peu voire jamais en compte les recommandations du Conseil des Droits de l'Homme à Genève, malgré les conditions de vie terribles dans lesquelles vit la population. Pensez-vous que cette rencontre serait le premier pas vers une "coopération" avec les instances internationales pour la paix et la promotion des droits de l'Homme?

-C74
 
Mathieu Duchâtel :  En 2013 une commission d’enquête créée par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies a détaillé de manière accablante les violations massives des droits de l’homme en Corée du Nord, et a recommandé que le Conseil de Sécurité saisisse la Cour pénale internationale.
 
La reprise de la diplomatie porte sur le nucléaire et la paix et il est très improbable que Donald Trump puisse obtenir des garanties sur ce plan. Il est possible qu’il tente car la sensibilité à la question des droits de l’homme en Corée du Nord est présente dans le camp Républicain et le point sera soulevé dans la préparation du sommet.
Le Monde le 09 mars à 14h56
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Serait il envisageable qu'un raprochement entre les usa et la Corée du nord se fasse sur le dos de la Chine ?

-Le Diplomate amateur
 
Mathieu Duchâtel : C’est un scénario de rupture stratégique qui paraît peu probable. La Chine n’est plus au centre du jeu, mais elle a la frontière. Sa position géographique en fait un partenaire économique clef pour la Corée du Nord en cas de légère ouverture du régime.
Le Monde le 09 mars à 14h53
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Ma question est certainement vague, mais à quoi reconnaîtra-t-on un sommet réussi ? Que risque-t-on si le sommet est raté ?

-omega
 
Mathieu Duchâtel : Cela dépend de la perspective. Le critère de la réussite, du point de vue américain, c’est l’obtention du désarmement unilatéral de la Corée du Nord. Du point de vue nord-coréen, éviter une guerre qu’ils perdraient et qui amènerait à un changement de régime est le premier critère de réussite. La grande réussite pour Pyongyang serait de conclure un accord qui ne prévoit pas de désarmement. Maintenant que la diplomatie reprend, son échec renforcerait le risque de guerre.
Le Monde le 09 mars à 14h48
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Bonjour et merci pour ce live, y a-t-il une réaction de la part du Japon?

-Samuel Pike
 
Mathieu Duchâtel :  Shinzo Abe se rendra à Washington en avril pour obtenir de Donald Trump des garanties sur le sommet. Le gouvernement japonais a soutenu l’approche de Trump, centrée sur la pression maximale. La reprise de la diplomatie est aussi dans l’intérêt du Japon, en première ligne en cas de guerre, menacé de frappes nucléaires par les Nord-Coréens dans certaines de leurs publications et prises de position publiques. Aucun accord n'incluant pas le désarmement n’est dans l’intérêt du Japon.
Le Monde le 09 mars à 14h46
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Quelle est l'opinion de la population nord-coréenne au sujet de cette rencontre Kim Jong-un / Trump (si une telle opinion peut être connue bien sûr) ?

-Vanilys
 
Mathieu Duchâtel :  Il est impossible de le savoir mais on peut tout à fait imaginer la Corée du Nord mobiliser 100 000 citoyens à Pyongyang pour un accueil triomphal de Donald Trump.
Le Monde le 09 mars à 14h42
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Sur quels points les dirigeants vont discuter ? Des accords peuvent-ils être trouvés ? Si oui, dans quels domaines ? (économiques, militaires, diplomatiques ?)

-Sleinkh
 
Mathieu Duchâtel :  Les points centraux sont les programmes proliférants (nucléaire, balistique); le passage de l’armistice à un Traité de Paix ; l’établissement de relations diplomatiques; la levée des sanctions; des échanges dans le domaine de l’énergie, dont la Corée du Nord manque. Ces points ne sont pas nouveaux. Mais aucun accord n’est possible sans un consensus sur le point central, le programme nucléaire. On aura sans doute un affrontement entre deux logiques, le gel des essais contre le désarmement.
Le Monde le 09 mars à 14h41
Tchat
Quelle est la probabilité que la rencontre ait vraiment lieu ?

-Toto
 
Mathieu Duchâtel :  A cette heure, si une annulation demeure possible, les deux parties sont d’accord pour qu’elle ait lieu. ​
Le Monde le 09 mars à 14h38
Tchat
Les similitudes entre Donald Trump et Kim Jong-un ne sont-elles pas plus grandes que leurs divisions?

-Gab
 
 Mathieu Duchâtel :  Le goût du risque, la quête de la surprise, la volonté de dominer le temps stratégique - ce sont trois éléments où leur style de leadership se ressemble beaucoup. La croyance dans la centralité du rapport de force les rapproche aussi. L’un et l’autre veulent gagner, mais peuvent-ils gagner ensemble? Il n’y aura de solution gagnant-gagnant que si l’une des deux parties accepte une concession radicale et historique : le désarmement unilatéral ou une forme d’acceptation de la Corée du Nord comme Etat nucléaire. Imagine-t-on Donald Trump et Kim Jong-un abandonner leur objectif initial ?
Le Monde le 09 mars à 14h36
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pour se plier à des négociations "vitales" pour le régime , le dirigeant nord coréen est-il en position de force ? quels sont les atouts dont ils dispose ? ne risque -t-il de perdre son arme de" chantage" qui lui a bien réussi jusqu'à présent ?

-raphael
 
Mathieu Duchâtel :  Ses atouts sont sa capacité à toujours garder l’initiative et à dicter l’agenda, ce qu’il prouve une fois de plus, et sa force de dissuasion, qui inclut les programmes nucléaires et balistiques, mais aussi les autres armes de destruction massive (arsenal chimique et biologique). Le nucléaire est la seule carte qu’il peut jouer pour négocier - l’enjeu pour les Etats-Unis est d’obtenir le désarmement unilatéral. Il ne l’abandonnera pas facilement.
Le Monde le 09 mars à 14h35
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La Chine aurait-elle contraint Kim Jong-un à faire cette proposition afin de renforcer Donald Trump aux yeux du monde, sachant que Trump est souvent défini comme du "pain béni" pour la Chine ?

-Ludovic
 
 Mathieu Duchâtel : C’est impossible. La Chine a perdu toute influence sur la Corée du Nord, et elle n’est en aucune mesure capable de contraindre Kim Jong-un à quoi que ce soit. En acceptant de soutenir un régime de sanctions beaucoup plus strict, la Chine a pourtant contribué à créer cet environnement où la reprise spectaculaire de la diplomatie semble la seule alternative à une inévitable confrontation.
Le Monde le 09 mars à 14h30
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Selon vous quelle sera le lieu choisi pour cette rencontre historique ?

-Osloviking
 
Mathieu Duchâtel :  Le plus probable est Panmunjeom, à la frontière de la Corée du Sud. On imagine mal Kim Jong-un sortir de Corée du Nord, et un Donald Trump à Pyongyang paraît très prématuré.
Le Monde le 09 mars à 14h29
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Bonjour, N'est ce pas une manoeuvre de la CDN pour gagner du temps ?

-Leym
 
Mathieu Duchâtel :  A l’évidence, c’est une manœuvre pour gagner du temps. Ce temps est utile pour continuer les progrès sur les programmes proliférants. L’intention tactique est d’éviter une frappe qui semblait imminente, mais maintenant qu’une dynamique nouvelle est à l’oeuvre, la question du temps se pose différemment. On n’est plus seulement dans une tactique pour empêcher une frappe limitée qui aurait pu mener à une escalade, on entre dans un temps diplomatique où l’essentiel devient ce que les deux leaders sont prêts à concéder, et dans quel calendrier.
 
Le Monde le 09 mars à 14h26
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Kim veut-il aller réellement aller jusqu'à proposer la dénucléarisation,alors que de soncôté trump a décidé de moderniser et de renforcer son arsenal nucléaire?

-HEGEL
 
Mathieu Duchâtel :  L’idée même d’un désarmement nucléaire de la Corée du Nord va à l’encontre de tout ce que les Nord-Coréens ont dit et fait depuis le premier test de 2006. Le statut de puissance nucléaire du pays est inscrit dans sa Constitution. Les Nord-Coréens ne cessent de répéter les exemples des pays qui ont abandonné leur programme nucléaire pour se faire agresser: la Libye, l’Irak, l’Ukraine. Un revirement absolu n’est pas impossible mais il faut convenir que c’est le scénario le moins crédible. Le scénario le plus crédible est la recherche d’une forme de reconnaissance de la Corée du Nord comme Etat nucléaire. ​
Le Monde le 09 mars à 14h17
Tchat
Le états unis vont-ils lever l'embargo économique contre la corée du Nord ?

-JeanneBr
 
Mathieu Duchâtel :  Nous en sommes très loin. Les Etats-Unis ne lèveront les sanctions qu’en échange d’un désarmement vérifiable. Il me paraît impossible que les Etats-Unis acceptent de lever les sanctions contre un gel des programmes nucléaires et balistiques. ​
Le Monde le 09 mars à 14h11
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Le gouvernement Nord-Coréen a toujours semblé vouloir conserver une main de fer sur le contrôle du pays et ses citoyens. Peut on penser que le gouvernement souhaite s'ouvrir au monde ?

-QuentinLondon
 
 

Mathieu Duchâtel : Il y a eu en 2010-2011 un moment d’ouverture à la Chine, avec la création de zones économiques spéciales à la frontière, mais le décès de Kim Jong-il puis l’exécution de Jang Song-taek ont mis fin à ce moment. Mais il faut prendre au sérieux ce que dit Kim Jong-un sur l’importance du développement économique dans sa stratégie nationale.

 

Le régime de sanctions s’est considérablement durci en 2017. Il inclut même aujourd’hui les exportations de produits de la mer, qui étaient autrefois exclus pour des raisons humanitaires. On s’approche d’un embargo et même si la Corée du Nord s’est redressée après la grande famine de 1998-1999 en acceptant des mécanismes de marché qui permettent un commerce intérieur, elle n’a toujours pas réglé ses problèmes de malnutrition, et elle a besoin d’un apport d’argent extérieur pour continuer dans ses progrès. Une ouverture partielle et très contrôlée est possible et dans l’intérêt économique du pays.

Le Monde le 09 mars à 14h05
Tchat
La guerre est-elle définitivement à exclure ?

-George
 
Mathieu Duchâtel : En aucun cas. Un échec du sommet pourrait mener à la guerre. ​ 
 
 

La négociation fait monter les enchères pour tout le monde. La question clef porte sur le désarmement de la Corée du Nord. Le programme nucléaire est la plus grande réussite du pays ; plus qu’une arme de survie (la dissuasion nord-coréenne repose aussi sur ses forces conventionnelles et son armement chimique et biologique), c’est une arme de statut; c’est l’arme qui permet au régime de parler d’égal à égal avec le président des Etats-Unis.

Peut-elle l’abandonner en échange d’un Traité de Paix, d’une reconnaissance diplomatique et de la levée des sanctions? C’est ce qu’elle laissait croire au début des années 2000, avant de signaler sans ambiguïté que son intention de ne jamais désarmer. Or un simple gel n’est pas acceptable pour l’administration Trump, à moins d’un revirement complet. Une telle surprise stratégique - l’acceptation d’un compromis qui n’inclut pas le désarmement vérifiable - paraît peu probable. La confrontation reste donc tout à fait possible sur le coeur du problème, le programme nucléaire.

Le Monde le 09 mars à 14h03
Tchat
Quel a été le rôle de la Corée du Sud dans ce nouveau rebondissement ?

-BBBrune
 
 

Mathieu Duchâtel : La Corée du Sud est revenue au centre du jeu, après une année d’incapacité à influencer le cours des événements. La diplomatie secrète entre les deux Corées en fin d’année 2017 a préparé le terrain pour la participation des Nord-Coréens aux Jeux Olympiques de Pyeongchang. La Corée du Sud a ouvert un espace diplomatique et fermé la fenêtre aux Américains en se démarquant soudainement de l’approche “pression maximale” de l’administration Trump. Son grand succès pour l’heure est aussi d’avoir fait accepter à Pyongyang la tenue des exercices militaires conjoints avec les Américains, le point qui a toujours été le plus sensible pour les Nord-Coréens, qui craignent qu’ils soient utilisés pour monter une attaque surprise. ​

 
Le Monde le 09 mars à 13h58
Tchat
Pourquoi ce revirement nord-coréen ? La situation semble se détendre soudainement.....

-Yannick
 
Mathieu Duchâtel :  La priorité tactique de la Corée du Nord est d’éviter une frappe préventive américaine. Ce scénario était de plus en plus crédible depuis la fin de l’année dernière, l’opinion internationale commençant à être exposée à l’idée d’une frappe limitée, dite “nez ensanglanté”, sur les sites de missiles nord-coréens. La reprise de la diplomatie intercoréenne et l’offre spectaculaire d’un sommet Trump-Kim rendent ce scénario impossible à court terme. Un autre bénéfice immédiat pour Pyongyang, qui conserve l’initiative, est de paraître comme la partie ouverte, désireuse de négocier.
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