Jérôme Doyon est chercheur associé au Conseil européen des relations internationales (ECFR) et rédacteur en chef de la revue China Analysis. Il est l’auteur de Négocier la place de l’islam chinois. Les associations islamiques de Nankin sous l’ère des réformes (L’Harmattan, 2014) et travaille actuellement à une thèse sur le système politique chinois.
Comment interpréter la décision du 6e plénum de placer Xi Jinping comme « noyau dur » du Parti communiste chinois (PCC) ?
La terminologie est notable, car elle met Xi dans le groupe des leaders importants du Parti, un honneur que Hu Jintao [son prédécesseur] n’avait pas obtenu. C’est d’autant plus intéressant que, au début de l’année, cette terminologie avait déjà été utilisée, relayée par des dirigeants locaux qui montraient ainsi leur loyauté à Xi, avant de disparaître en mai. L’officialisation par le plénum souligne que Xi a pu venir à bout de ce qui apparaissait comme des obstacles internes.
De quelle manière a-t-il imprimé sa marque sur le PCC depuis sa désignation à sa tête, comme secrétaire général, à l’automne 2012 ?
Le numéro un chinois gouverne d’abord par une série de campagnes, à commencer par la plus connue, celle menée contre la corruption, visant « les mouches et les tigres », les plus petits ou les plus puissants parmi les cadres. Elle fait beaucoup parler d’elle et a tendance à reléguer au second plan les autres, notamment, entre 2013 et 2014, celle consacrée à la « ligne de masse ».Ce concept important pour le régime qui remonte à Mao Zedong prévoit que les cadres doivent être proches des masses tout en étant des modèles.
Depuis avril 2015, dans le prolongement de celle sur la « ligne de masse », a été lancée une campagne baptisée « Les trois stricts et les trois honnêtes » : les cadres doivent être stricts dans leur conduite morale, dans leur exercice du pouvoir et leur discipline personnelle ; ils doivent être honnêtes dans leurs prises de décision, dans leurs projets politiques et dans leurs conduites personnelles. Elle avait été présentée par Xi Jinping dans un discours, en mars 2014, lors de la session parlementaire avant de devenir, un an plus tard, une campagne nationale.
Le but commun de ces campagnes est de combattre les quatre styles de travail indésirables : « l’hédonisme, le formalisme, le bureaucratisme et l’extravagance ». C’est un discours moralisateur. Il s’agit de campagnes éducatives pour les cadres. Ils sont réunis pour discuter de ces thèmes et des discours s’y rapportant. Il y a également des séances d’autocritique et de critique des collègues. Lesquelles pèseront sur leurs carrières : de nouvelles règles prévoient que ceux qui ont été critiqués ne peuvent plus être promus. Ils risquent même d’être rétrogradés, ce qui était très rare jusqu’à présent au sein du PCC. Généralement, soit on était promu, soit on était expulsé.
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