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Ivan Krastev : « Construite dans la peur du passé, l’Europe a aujourd’hui peur de l’avenir »

Pour le politiste bulgare Ivan Krastev, l’un des enjeux des élections européennes sera la question du départ des travailleurs et des étudiants des pays de l’Est et du Sud, dans une Union européenne en crise d’identité, qui s’inquiète d’une possible désintégration.

Propos recueillis par  et

Publié le 03 mai 2019 à 11h47, modifié le 05 mai 2019 à 06h20

Temps de Lecture 7 min.

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Drapeaux de pays membres de l’Union européenne. Ces derniers sont appelés à élire leurs représentants du 23 au 26 mai.

Le politiste bulgare Ivan Krastev vit entre Sofia, Vienne et le reste du monde. Président du think tank Centre pour les stratégies libérales, à Sofia, il est également membre de l’Institut pour les sciences humaines de Vienne. Dans Le Destin de l’Europe (éd. Premier Parallèle, 2017), il analyse l’impact de la crise migratoire de 2015 et les risques de morcellement de l’Europe depuis le Brexit.

Une désintégration de l’Europe est-elle possible ?

Le risque est bien réel. Mais cette notion de désintégration est ressentie de façon très différente selon les pays. Pour Paris et Berlin, l’Europe à deux vitesses est un pas vers l’intégration, alors que l’Est la considère au contraire comme un début de désintégration du projet communautaire. Le sens diffère aussi selon les positionnements politiques. Le « moins d’Europe » est perçu comme un rééquilibrage par les souverainistes, tandis que les fédéralistes y voient un début de désintégration. On admet plus facilement qu’avant le Brexit la possibilité d’une désintégration, même si on entend par là des choses bien différentes.

Aucune force politique majeure hors Royaume-Uni, pas même les eurosceptiques, n’appelle aujourd’hui à la destruction de l’Union européenne. Mais, comme nous l’avons vu autrefois pour l’URSS ou pour la Yougoslavie, la désintégration peut être la conséquence inattendue d’un processus de réforme ou d’adaptation, lancé justement pour la rénover. C’est un peu comme une crise bancaire où la panique des épargnants voulant à tout prix récupérer leur argent précipite la catastrophe. Si des gouvernements européens, craignant que l’Europe finisse mal, commencent à multiplier les mesures défensives, pensant éviter le pire, cela peut aussi précipiter son effondrement.

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L’effondrement de l’URSS est venu du cœur de l’Empire, non de sa périphérie. Pourrait-il en être de même pour l’Union européenne ?

En effet, la cause de l’effondrement de l’URSS n’a pas été l’indépendance des pays baltes ou celle de la Géorgie. A la fin des années 1980, la Russie a estimé que payer pour les républiques d’Asie centrale n’était plus dans son intérêt, et elle a tenté de créer une union plus homogène avec la Biélorussie et l’Ukraine. Ce fut le véritable élément déclencheur de la désintégration qui a commencé, avant tout, dans les têtes des décideurs comme dans l’opinion publique.

Il pourrait en être de même en Europe si, un jour, la France et l’Allemagne décidaient que l’Union, telle qu’elle est, n’est plus dans leur intérêt. Deux phénomènes contradictoires sont en train de se concrétiser simultanément. D’un côté, avec le Brexit, les forces qui militaient pour une sortie de l’UE ou son démantèlement ont mis la sourdine – comme par exemple Marine Le Pen en France. De l’autre, il y a un fort mouvement de rejet des élites et des institutions, notamment européennes, accusées de ne servir à rien. Les opinions assurent qu’elles tiennent à l’Union européenne, mais elles sont prêtes à revenir sur des valeurs essentielles. Si on limite les prérogatives de la Banque centrale, l’Allemagne restera-t-elle dans l’Union ? Si on rétablit les frontières, comment vont réagir nombre de pays ? Le fossé entre les souhaits des opinions et les conséquences de certains choix peut accélérer cet effondrement, sans que personne l’ait voulu.

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