Chronique. Vous avez aimé le péril russe ? Vous allez adorer la menace chinoise. C’est la dominante de ce début d’année 2018, dans les cercles occidentaux où l’on observe à la loupe l’évolution des relations internationales : face aux Etats-Unis secoués par le trumpisme, à l’Europe en butte au populisme, à la Russie figée par le poutinisme, la Chine, elle, campée sur sa trajectoire ascendante, avance ses pions de manière beaucoup moins bénigne qu’elle ne voudrait le faire croire.
Effacée, l’image bienveillante d’un président Xi Jinping rayonnant de bonhomie au Forum de Davos 2017, dont il avait émerveillé l’audience par son credo mondialiste et libre-échangiste ! Le 19e congrès du PC chinois est passé par-là. Investi de pouvoirs qui font de lui le leader chinois le plus puissant depuis Mao, Xi a remisé Deng et sa doctrine du profil bas ; Pékin assume désormais un rôle d’acteur mondial. C’est la face visible de la Chine triomphante. La face cachée, celle d’un capitalisme autoritaire qui se voit comme un modèle alternatif à la démocratie libérale, est moins glorieuse : elle masque, assurent aujourd’hui les Américains, infiltration, influence et espionnage.
Tir groupé
L’avertissement est répété à l’envi et sur tous les tons. « Nous avons tous les yeux rivés sur la Russie, mais le problème de demain, c’est la Chine, et nous aimerions alerter les Européens sur ce sujet », nous assène d’emblée à Washington un responsable que nous venions interroger sur les relations russo-américaines. Le patron de la CIA, Mike Pompeo, a, lui, ouvertement tiré le signal d’alarme dans un entretien diffusé par la BBC le 30 janvier : à ses yeux, la Chine est largement aussi inquiétante que la Russie.
« Pensez juste à l’échelle de ces deux économies, dit-il. Les Chinois ont des moyens bien plus gros pour exécuter cette mission que les Russes. Ce que nous observons, c’est un effort délibéré pour voler de l’information, pour infiltrer les Etats-Unis à l’aide d’espions, de gens qui vont travailler contre l’Amérique pour le pouvoir chinois. On le voit dans nos écoles, on le voit dans nos hôpitaux. On le voit dans le monde de l’entreprise. Et c’est aussi la réalité dans d’autres parties du monde, y compris en Europe et en Grande-Bretagne. »
Se joignant à ce tir groupé, le 1er février, avant de s’envoler pour une tournée en Amérique du Sud, le secrétaire d’Etat, Rex Tillerson, a mis en garde la région contre « les prédateurs » qui s’y déploient : « L’image de la Chine paraît offrir une voie séduisante vers le développement, mais, la réalité, c’est souvent une dépendance à long terme en contrepartie de gains à court terme. » Voilà, a-t-il conclu, qui rappelle les belles heures « du colonialisme européen ».
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