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Avec son tir de missile, la Corée du Nord veut faire jeu égal avec les puissances nucléaires

Malgré les sanctions internationales et l’opposition de son principal allié chinois, Pyongyang avance méthodiquement vers son objectif, la dissuasion nucléaire.

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Publié le 24 août 2016 à 15h19, modifié le 24 août 2016 à 19h01

Temps de Lecture 4 min.

La Corée du Nord a procédé mercredi 24 août à un nouveau tir de missile depuis un sous-marin, suscitant les condamnations de ses voisins et des Etats-Unis, qui y ont vu une nouvelle « provocation ». Malgré les sanctions internationales et l’opposition de son principal allié chinois, Pyongyang avance méthodiquement vers son objectif d’entrer dans le club fermé des puissances nucléaires, au nom d’une stratégie de dissuasion, avec des missiles capables de frapper la Corée du Sud, le Japon, voire les Etats-Unis.

La justification principale est de faire face à ce que Pyongyang considère comme la menace numéro un : une invasion éventuelle par des troupes américaines et sud-coréennes, une répétition de la première guerre de Corée qui avait opposé, entre 1950 et 1953, Pyongyang et ses alliés soviétique et chinois à une force multinationale menée par les Etats-Unis et la Corée du Sud.

Tir d’un missile depuis un sous-marin, selon une photo d’archives diffusée le 24 avril par l’agence nord-coréenne KCNA.

Aucun accord de paix n’a été signé après ce conflit sanglant et les tensions restent vives depuis plus d’un demi-siècle sur la péninsule coréenne divisée. Malgré les assurances répétées par Barack Obama pendant ses deux mandats à la Maison Blanche, le régime nord-coréen est persuadé que les Etats-Unis, qui disposent de 28 500 hommes en Corée du Sud, cherchent toujours à le renverser par la force.

Les différentes tentatives de négociations depuis 1994 – quand les Etats-Unis et la Corée du Nord étaient proches de la confrontation – n’ont rien donné. Les pourparlers à six (Etats-Unis, Chine, Japon, Russie et les deux Corées), lancées à Pékin en 2003 après le retrait de Pyongyang du traité de non-prolifération nucléaire (TNP), sont en panne. Et Pyongyang a effectué en janvier son quatrième essai nucléaire.

Le tir de mercredi est le troisième depuis un sous-marin depuis le début de l’année. Le premier, en avril, avait été un échec ; le second, le 9 juillet, et le dernier montrent que les Nord-Coréens ont progressé, jugent les experts.

« Un acte irresponsable qui ne peut être toléré »

Le missile, un « KN-11 », a été tiré au large des côtes nord-coréennes vers le Japon et a parcouru près de 500 kilomètres, selon le centre de commandement stratégique américain (US Stratcom). De plus, pour la première fois pour un projectile de cette nature, le missile est « entré dans la zone d’identification de défense aérienne » du Japon, a déclaré le premier ministre japonais Shinzo Abe. Dans cet espace, tous les avions doivent s’identifier auprès des autorités locales. Le premier ministre japonais a dénoncé une « sérieuse menace pour la sécurité du Japon, un acte irresponsable qui ne peut être toléré ».

Cependant, il convient de rester prudent. Comme l’explique Camille Grand, le directeur de la Fondation pour la recherche stratégique, il existe « souvent un décalage entre les annonces et la réalité en ce qui concerne la Corée du Nord ». Il faudra attendre des analyses plus détaillées. Par ailleurs, note Antoine Bondaz, chercheur associé au Centre de recherches internationales-Sciences Po, une autre inconnue concerne les sous-marins nord-coréens. Pyongyang possède une flottille âgée, achetée dans les années 1980 à la Chine et à la Russie, qui pourrait ne pas permettre de procéder à des tirs de missiles balistiques. Il se pourrait ainsi que ces derniers aient été lancés depuis des plateformes maritimes, ce qui relativiserait le savoir-faire des Nord-Coréens.

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Pouvoir lancer un missile depuis un sous-marin est le privilège de puissances comme les Etats-Unis, la Chine, la France ou la Grande-Bretagne. Entrer dans ce club fermé permettrait à Kim Jong-un de renforcer la légitimité de son régime et de continuer à défier les Nations unies.

Les nombreuses résolutions prises pour empêcher la Corée du Nord de développer son programme nucléaire et balistique – la dernière (2270) date de mars – n’ont rien donné. Les sanctions ne semblent guère appliquées par la Chine, voisine et grande alliée, qui redoute un effondrement du régime nord-coréen et un afflux de réfugiés à sa frontière si elle bloquait toute relation commerciale. « Il y a toujours une ambiguïté sur la manière de Pékin d’appliquer les sanctions », explique François Godement, directeur du programme Asie et Chine du Conseil européen des relations internationales (ECFR).

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Kim Jong-un et le sens de la dramaturgie

Les tirs de missiles et les essais nucléaires nord-coréens interviennent également toujours à des moments bien choisis, souligne Antoine Bondaz. En juillet, après l’annonce par les Etats-Unis et la Corée du Sud du déploiement d’un système antimissile américain (Thaad), Pyongyang avait effectué trois tirs de missiles, que l’agence de presse nord-coréenne KCNA avait présentés comme des simulations de « frappes préventives » contre les installations américaines du Sud – sous-entendu le système Thaad. « Si des grandes puissances entraient par accident en conflit en Asie du Nord-Est, rien ne garantirait qu’une arme nucléaire ne pourrait pas tomber sur le système Thaad », assurait le 14 juillet le Comité (nord-coréen) pour la réunification pacifique.

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Le tir de mercredi est intervenu deux jours après le lancement de manœuvres conjointes américano-sud-coréennes, considérées par Pyongyang comme la préparation d’une éventuelle invasion. Selon Washington et Séoul, ces exercices sont purement défensifs.

Le déploiement du Thaad a provoqué le mécontentement de Pékin, qui ne voit pas d’un bon œil l’installation de ce système à ses portes. Mais, selon M. Godement, « Thaad est absolument indispensable pour garder sous contrôle l’allié sud-coréen ». Ce dernier, tout comme le Japon, pourrait être lui aussi tenté de se doter de l’arme nucléaire pour faire pièce à Pyongyang. L’opinion publique sud-coréenne est de plus en plus favorable à une telle option. Tokyo se dirige également vers un changement de sa Constitution pacifiste, née de l’après-guerre, pour s’adapter à la menace chinoise et nord-coréenne.

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