S'il fallait une indication de ce que peut être le pire cauchemar de l'Arabie saoudite dans un paysage déjà passablement sombre, cette phrase du prince Turki Al-Fayçal, prononcée vendredi 13 juin au cours d'une conférence à Rome à propos de l'aggravation « heure par heure » de la situation en Irak, l'a fournie : « L'une des ironies qui pourraient émerger de cette situation serait de voir les gardes révolutionnaires iraniens combattre avec des drones américains pour tuer des Irakiens », a commenté celui qui dirigea les services secrets saoudiens jusqu'à 2001. « Ça dépasse l'entendement », a ajouté le prince saoudien.
Un vent de panique souffle sur Riyad, que les dernières déclarations de John Kerry n'auront rien fait pour calmer : le secrétaire d'Etat américain n'a exclu, lundi 16 juin, ni des frappes de drones ni des discussions directes avec Téhéran sur l'Irak. Pour l'Arabie saoudite, puissance sunnite régionale, la perspective d'un rapprochement américain, sur fond d'avancée de l'Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL ou Da'esh), avec l'Iran, puissance chiite régionale avec laquelle elle rivalise pour le contrôle du Golfe, ne peut que compliquer les choses.
Ces derniers jours, Washington et Téhéran ont réagi avec une superbe unanimité à l'avancée fulgurante des forces de l'EIIL : il faut aider le gouvernement du premier ministre irakien, Nouri Al-Maliki, à résister à l'offensive.
L'ARABIE SAOUDITE A FAIT DES OUVERTURES À L'IRAN
Or l'Arabie saoudite rend M. Maliki responsable de cette situation, par la politique d'exclusion des sunnites qu'il a menée en Irak. Qu'on ne se méprenne pas : Riyad ne soutient pas l'EIIL, loin de là. « L'EIIL est sur la liste des organisations terroristes en Arabie saoudite, cela vous donne une idée de notre position dans cette affaire », a précisé le prince Turki, invité à s'exprimer devant la conférence annuelle du Conseil européen pour les relations extérieures (ECFR), un cercle de réflexion sur la politique extérieure européenne.
Lundi, le gouvernement saoudien a été plus clair dans sa mise en garde : il s'est déclaré « opposé à toute ingérence étrangère dans les affaires internes » de l'Irak, une allusion à une possible intervention de Téhéran ou de Washington pour contrer la progression de l'EIIL.
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