Cent douze : c'est le nombre de pays où Hillary Clinton s'est rendue en quatre ans à la tête de la diplomatie américaine. Les sites Internet d'information américains offrent en ce moment de fascinantes galeries de photos de ces visites, aussi colorées que celles de la reine d'Angleterre mais tellement plus intéressantes, car l'évolution de sa coiffure et des pastels de ses tailleurs ne doit tromper personne : lorsque Hillary Clinton voyage, c'est bien, avec elle, la puissance américaine qui se déplace, et non le folklore désuet de quelque empire disparu.
Au moment où, au faîte de sa popularité et candidate potentielle pour l'élection présidentielle de 2016 malgré ses 65 ans, elle passe le relais au plus conventionnel John Kerry, la brillante et photogénique Mme Clinton ne peut conjurer, pourtant, une autre image de la puissance américaine. Tout aussi forte, un peu moins plaisante. Cette image, c'est celle d'un objet volant que vous avez peu de chances de voir dans le ciel, un avion sans pilote aux formes futuristes, qui, dirigé par des ordinateurs, permet de frapper des cibles au sol, y compris des cibles humaines, avec une précision époustouflante. Moins visible qu'Hillary Clinton mais redoutablement efficace, le drone de combat s'est imposé, ces dernières années, comme l'instrument militaire de la politique étrangère des Etats-Unis.
Cet instrument est d'autant plus controversé qu'il est entouré du plus grand secret et géré par la CIA. La secrétaire d'Etat, racontent les experts américains, a bien essayé de plaider pour plus de transparence auprès de la Maison Blanche, mais en vain. Ce ne serait d'ailleurs pas le seul dossier sur lequel elle se serait trouvée en porte à faux avec le président Obama : sur la Syrie, elle militait pour que les Etats-Unis arment les rebelles, selon le New York Times. Hillary Clinton, explique Vali Nasr, un ancien du département d'Etat, "voulait diriger de l'avant, pas de l'arrière". Ces mots ("leading from the front, not from behind") ne sont évidemment pas choisis au hasard. L'expression "diriger de l'arrière", malencontreusement utilisée par un responsable américain anonyme dans un article du New Yorker au moment de la guerre en Libye pour décrire la stratégie américaine, est devenue une marque de fabrique de la politique étrangère du premier mandat de Barack Obama.
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