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L'Allemagne tend la main à la France, pays « too big to fail »

Ulrike Guérot, directrice du bureau berlinois du Conseil européen des relations étrangères.

Malgré l'impatience à l'égard des lenteurs françaises, palpable dans les milieux conservateurs allemands, la realpolitik européenne est de retour.

Les Allemands ont beau être agacés par les Français, ils sont réalistes et profondément Européens. «La France est “too big to fail”», rappelle Ulrike Guérot, directrice du bureau berlinois du Conseil européen des relations étrangères (ECFR). «Les Allemands ont commencé à le comprendre. D'où cette main tendue à la France, qu'elle a bien raison de saisir!», décrypte cette spécialiste du couple franco-allemand. «L'Allemagne fait avec la France ce qu'elle n'a fait ni avec la Grèce, ni avec l'Espagne, ni avec l'Italie: elle lui tend la main pour que la France s'en sorte et que l'Europe s'en sorte», ajoute Ulrike Guérot.

Vue d'Allemagne, la rencontre franco-allemande à Berlin ne trahirait ni pacte ni nouveau diktat , mais plutôt un geste de solidarité avec la France, pays très mal en point économiquement, dont le budget 2015 dérape tellement qu'il risque d'être retoqué par Bruxelles à la fin du mois, ce qui serait une première en zone euro. «Le gouvernement allemand ne veut pas laisser la France seule face à la Commission européenne dans ce moment difficile», analyse Ulrike Guérot.

Les marchés financiers en embuscade

Malgré l'impatience à l'égard des lenteurs françaises, palpable dans les milieux conservateurs allemands, la realpolitik européenne est de retour. Le laxisme budgétaire français, les réformes distillées au compte-gouttes, sans qu'aucun cap politique ne soit donné, irrite au plus haut niveau à Berlin. Mais il n'est pas question, pour autant, d'ostraciser la France, deuxième économie d'Europe, dont une sortie de route économique ferait dérailler le train de la zone euro. Les marchés financiers sont déjà en embuscade.

« L'Allemagne fait avec la France ce qu'elle n'a fait ni avec la Grèce, ni avec l'Espagne, ni avec l'Italie : elle lui tend la main pour que la France s'en sorte et que l'Europe s'en sorte »

Ulrike Guérot, directrice du bureau berlinois du Conseil européen des relations étrangères

Dans la gestion de la crise française qui ne dit pas son nom, la chancelière marche sur des œufs. Angela Merkel ne veut pas donner l'impression d'accorder à la France des passe-droits qui ont été refusés aux pays périphériques de la zone euro. Ces derniers observent de très près le jeu du couple franco-allemand, dont ils sont tenus à l'écart, ce qui n'est jamais très bon pour l'unité de la zone euro. Ils comptent sur la Commission européenne pour rétablir la justice. Mais ils savent aussi que rien n'avancera en Europe sans un nouvel accord franco-allemand.

Risque d'isolement

Si l'Allemagne tend ainsi la main à France, c'est aussi parce qu'elle a découvert, à l'occasion de cette crise, qu'elle risquait de s'isoler politiquement avec un discours économique centré sur l'austérité. Toutes les organisations internationales le disent: l'austérité n'est pas si bonne pour la croissance. Même à Bruxelles, le totem allemand de l'orthodoxie budgétaire commence à lasser. De nombreuses voix s'élèvent, aux États-Unis et en Europe, pour demander à l'Allemagne de faire un peu plus pour la croissance en dopant l'investissement, quitte à dépenser un peu plus d'argent public.

L'Allemagne en a les moyens. Et cela ne nuirait pas à sa croissance, bien au contraire. L'OCDE estime que l'Allemagne devrait augmenter son investissement de 17 à 20 % du PIB. Un objectif que le gouvernement de coalition reprend à son compte, assure le vice-chancelier. Ce qui devrait être suffisant pour jeter les bases d'un accord franco-allemand.

L'Allemagne tend la main à la France, pays « too big to fail »

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11 commentaires
  • vanesse

    le

    Et si vous parliez français? Trop gros pour tomber , ce n'est pas compliqué non?

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