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Déficits : «L'Allemagne fait un cadeau à la France»

Ulrike Guérot: «La France doit prouver que c'est un pays sérieux et ouvrir un débat respon­sable sur l'Europe, notamment sur le fédéralisme budgétaire.» DR

INTERVIEW - La politologue Ulrike Guérot, fin connaisseur des relations franco-allemandes, estime que la première urgence, ce sont les réformes en France.

Directrice du bureau berlinois du Conseil européen des relations étrangères (ECFR), la politologue Ulrike Guérot est spécialiste des questions européennes et fin connaisseur des relations franco-allemandes.

LE FIGARO. - Quel est l'état de la relation franco-allemande aujourd'hui?

Ulrike GUÉROT. - Il y a de la tension, mais c'est bien quand le couple se dispute! Il ne faut pas idéaliser les périodes antérieures, qui étaient loin d'être aussi roses qu'on le dit. La création de l'euro, c'était une guerre de Sept Ans! On s'est battu et ce fut constructif. La symbiose, comme sous Merkel et Sarkozy, c'était étouffant pour le reste de l'Europe. Mais attention, la crise franco-allemande n'est constructive que s'il y a une volonté politique de la résoudre et de faire sortir un compromis qui donne de l'air aux autres pays…

Voyez-vous poindre quelque chose de constructif entre Paris et Berlin en ce moment?

C'est vrai qu'en ce moment il faut creuser loin au bout du tunnel pour voir la lumière! La tâche est énorme. La première urgence, ce sont les réformes en France. Car la France a perdu sa parité structurelle avec l'Allemagne. Du coup, il devient difficile pour elle de faire respecter son point de vue. Pour faire entendre sa voix au sein du couple franco-allemand et de l'Europe, il faut qu'elle se redresse sur le plan économique.

À quand datez-vous ce décrochage franco-allemand?

D'après les chiffres macroéconomiques, cela date de 2007. En 2003, la France et l'Allemagne ont bafoué ensemble le pacte de stabilité. L'Allemagne en a profité pour faire les réformes qui s'imposaient. La France, elle, n'a rien fait de tel.

L'Allemagne est d'accord pour donner deux ans de plus à la France pour respecter les 3 % de déficit. Berlin renonce-t-il à ses principes de rigueur?

Non! C'est comme un cadeau que fait l'Allemagne à la France. Elle doit utiliser ce répit de deux ans pour faire les réformes et prouver que c'est un pays sérieux. Depuis que l'Allemagne a décidé d'abandonner le D-Mark en 1992, elle attend que la France se réveille, embrasse l'élargissement de l'UE, la mondialisation, et lance le débat sur l'avenir de l'Europe, qu'elle a stoppé en 2005, après le «non» à la Constitution européenne.

Pourquoi un tel cadeau à la France?

Car, pour l'Allemagne, la France est un cas particulier. Ce n'est pas Chypre, ni la Grèce. Face à la France, l'Allemagne se tait, par respect. Dans cette crise, la France est aussi «systémique»: si elle dérape sur le plan financier et économique, c'est dangereux pour l'Allemagne et pour le reste de la zone euro…

L'Allemagne ne craint-elle pas que la France profite de ce répit pour ne rien faire?

Il y a cette crainte. Mais il y a aussi l'espoir que Hollande fasse les réformes, comme Mitterrand a su le faire en 1982-83. Il n'y a pas d'alternative pour survivre dans la mondialisation.

Quelles sont les réformes les plus attendues par Berlin aujourd'hui?

L'Allemagne attend une nouvelle réforme des retraites, l'abandon des 35 heures, une réforme plus profonde du marché du travail, de la Sécurité sociale et un assainissement des déficits. Elle doit faire tout ce que les pays du sud de l'Europe ont fait. Et ne pas mettre comme préalable à ses réformes la mutualisation de la dette en zone euro! C'est à la France de faire le premier pas, aujourd'hui. C'est la condition pour la relance de l'Europe. Il faut aussi que l'Allemagne fasse des efforts supplémentaires sur la demande intérieure et les salaires. C'est un mouvement réciproque. Il faut une synthèse sur un contrat social européen.

Déficits : «L'Allemagne fait un cadeau à la France»

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162 commentaires
  • marine

    le

    L'Allemagne veut imposer ses décisions qui ne sont pas transposables en France. Les Allemands sont devenus des travailleurs pauvres et Merckel fait tout pour amener les autres pays à la pauvreté. Or, les français doivent avoir leur dignité et faire connaître à Bruxelles que nous sommes très différents et que l'on a envie de prendre une autre voie. Pourquoi prendre un partenariat avec d'autres pays en matière d'échanges du commerce extérieur ou économique.

  • Sir Hiss

    le

    Et l'Allemagne agresseur battu d'hier, décide de ce que doit être l'Europe d'aujourd'hui....

  • Amiral

    le

    Ah, l'Allemagne nous fait un cadeau. Ces Messieurs de la Kommandantur économique de Bruxelles sont bien aimables. Il faudra que nos écoliers leurs chantent une belle chanson.

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