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ONU: adoption du pacte sur les migrations

Le bâtiment du secrétariat du pacte mondial pour les migrations des Nations unies, à Marrakech, au Maroc. FETHI BELAID/AFP

Le texte controversé, mais non contraignant, a été adopté par 150 pays et rejeté par une trentaine d'États.

Si c'est une victoire, elle appartient à Pyrrhus. La réunion de Marrakech se voulait un sommet historique consacrant une réponse consensuelle à la crise des migrants. Mais l'approbation du pacte mondial s'est transformée en une débâcle dont les Nations unies, déjà vilipendées par Donald Trump, auraient pu faire l'économie. Elle a surtout, malgré les 150 pays signataires, cristallisé le fossé qui existe sur cette question entre l'est et l'ouest de l'Europe, entre les peuples et les élites, entre ceux qui veulent ouvrir les frontières et ceux qui veulent les fermer.

De nombreux pays se sont retirés du texte: Hongrie, Autriche, Israël, République tchèque, Slovaquie, Pologne, Lettonie, Australie, République dominicaine, Chili. D'autres ont gelé leur décision: Bulgarie, Estonie, Italie, Slovénie, Suisse. Le pacte sur les migrations a mis en lumière les fragilités politiques de nombreux gouvernements européens. Il a provoqué une crise politique en Belgique avec le départ de l'Alliance néoflamande N-VA et des échauffourées à Ottawa entre partisans et détracteurs. Des «gilets jaunes» s'en sont emparés, rappelant aux responsables politiques que la fracture qui les oppose aux classes moyennes ne concerne pas seulement l'économie et la fiscalité, mais aussi l'immigration.

Le pacte mondial sur les migrations de l'ONU formellement approuvé à Marrakech - Regarder sur Figaro Live

À six mois des élections européennes, le texte a bien sûr été exploité par des courants politiques radicaux qui le considèrent comme un encouragement à un flux migratoire incontrôlé. Il a aussi fait l'objet d'une violente campagne d'intoxication sur les réseaux sociaux. Mais ces dérapages ne peuvent cacher les faiblesses d'un texte qui, bien que n'étant pas contraignant, peine à démontrer son utilité. Ainsi, le pacte de l'ONU ne fait pas la différence entre migrants légaux et clandestins. Il livre une vision essentiellement positive des migrations, considérées comme «source de prospérité». Il encourage les pays d'accueil à s'adapter aux migrants, mais néglige les difficultés culturelles posées par l'arrivée de nouvelles populations. Le texte de l'ONU est-il à contre-courant?

Déclenchée après la crise de 2015, qui a montré les limites des approches nationales, l'initiative onusienne se présentait comme un «guide des bonnes pratiques», une déclaration symbolique pour répondre à la crise des migrants. Conçue pour cimenter, elle a divisé. Le pacte a alimenté l'angoisse migratoire, qui touche tout l'Occident, ignorant le besoin d'identité des peuples européens. À l'heure d'un retour en force des nationalismes et des mouvements antisystème, beaucoup ont considéré qu'il représentait «un appel d'air migratoire»et vantait les mérites d'un modèle, le multiculturalisme, en panne depuis longtemps.

Depuis son arrivée à la Maison-Blanche, Donald Trump a refusé d'inscrire son action dans un cadre international et retiré la signature américaine des grands accords, comme le climat et le nucléaire iranien.

Depuis son arrivée à la Maison-Blanche, Donald Trump a refusé d'inscrire son action dans un cadre international et retiré la signature américaine des grands accords, comme le climat et le nucléaire iranien. Mais, aujourd'hui, il n'est plus seul à penser ainsi. En juillet 2018, quand il a été rendu public, le document de l'ONU avait été approuvé par tous les pays sauf les États-Unis. Les nationalistes européens se sont ensuite engouffrés dans la brèche. Et, même si les pays qui ont récemment fait défection restent minoritaires, le mouvement montre que les résistances au mondialisme ne sont plus une particularité américaine. Elles ne sont plus non plus le seul apanage de l'extrême droite. La rupture, même si elle aura peu d'impact sur un texte non contraignant, éclaire une nouvelle fois les changements de cap imposés à l'ordre mondial. «La souveraineté est de plus en plus conçue comme une référence absolue qui entretient l'illusion qu'il est possible de se retirer du monde pour mieux s'en protéger», écrit dans un tweet Manuel Lafont Rapnouil, directeur du bureau parisien du Conseil européen pour les relations internationales (ECFR). Dans tout le monde occidental poussent des désirs de souveraineté et une méfiance vis-à-vis des initiatives mondiales sur les sujets sensibles comme l'immigration.

Louise Arbour, la représentante spéciale de l'ONU pour les migrations, défend des convictions différentes. Les pays qui se sont rendus à Marrakech «sont du bon côté de l'histoire». «Le pacte, ce n'est pas la fin, mais le début de la nécessité d'une meilleure coopération internationale», dit-elle. Si Emmanuel Macron s'était fait remplacer par son secrétaire d'État aux Affaires étrangères, Angela Merkel est venue plaider pour le multilatéralisme en rappelant l'histoire de son pays. «La réponse au nationalisme pur a été la fondation des Nations unies et l'engagement de trouver ensemble des réponses à nos problèmes communs.» L'ultime vote de ratification du texte le 19 décembre à l'ONU puis le résultat des élections européennes en mai diront de quel côté penche l'histoire.

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30 commentaires
  • edgar19

    le

    "entre les peuples et les élites, entre ceux qui veulent ouvrir les frontières et ceux qui veulent les fermer." Cette phrase scandaleuse et partisane résume bien une idéologie destructrice des nations Ainsi le peuple ne peut faire partie de l’élite, et sauvegarder sa culture, l'immense héritage de l'histoire signifierait de fermer les frontières .

  • AN/NO/BOU

    le

    SIMPLE .. cette ouverture à l'immigration ...?????pour laquelle le PEUPLE n'a pas droit à la parole !!! ne va pas arranger les actes ISLAMISTES en France et ailleurs ....

  • osalteccino

    le

    A l'occasion de ce traité sur les migrations il n'est pas inutile de rappeler le nom de celui qui en a forgé le concept, le géo-stratégiste américain Thomas Barnett auteur de la théorie des quatre flux.
    Selon lui pour que la globalisation soit parfaite il faut que le dollar, le pétrole, l'armée américaine et...les migrants circulent sans entraves.
    https://en.wikipedia.org/wiki/Thomas_P._M._Barnett

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