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L'Europe vue comme l'idiot du village mondial 

Acteurs majeurs de la mondialisation pris individuellement, les pays européens sont incapables de faire front commun, surtout face à la Chine.

Quel est le pays qui affiche le plus gros excédent commercial ? L'Allemagne, avec 194 milliards de dollars sur les douze derniers mois, devançant la Chine (173 milliards). Quel est l'État qui attire le plus de capitaux de la planète ? Les Pays-Bas, où les étrangers ont directement investi à ce jour quelque 3000 milliards de dollars, très loin devant les États-Unis (2250 milliards), selon la recension du FMI. Quel est le territoire qui accueille le plus de touristes ? La France en a reçu 78,9 millions l'an dernier, contre 61 millions pour les États-Unis.

Chacune de ces performances exprime une forme d'excellence. L'Allemagne se nourrit de sa tradition manufacturière sans faille depuis la révolution industrielle. Les Pays-Bas, à la fiscalité délibérément avantageuse pour les entreprises multinationales, constituent l'une des plaques tournantes du capitalisme mondial depuis son «siècle d'or». L'Hexagone cultive une image d'universalité culturelle et de bien-vivre. Prises une à une, la plupart des nations du Vieux Continent se portent beaucoup mieux que l'Union européenne, ou l'idée qu'on s'en fait.

Les Américains l'accusaient de s'ériger en «forteresse» lorsque «le grand marché intérieur» européen a été créé, en 1992. Or elle se montre incapable de défendre ses maillons faibles, comme le révèlela crise des dettes souveraines. Les déficits publics sont pourtant globalement de deux à trois fois moindres que ceux des États-Unis ou du Japon, comme Jean-Claude Trichet, le président de la BCE, ne cesse de le dire. Mais les marchés regardent les pays faibles et non la moyenne d'une «Union» de façade.

L'Europe est en passe de devenir «l'idiot du village mondial», selon la formule d'Hubert Védrine, l'ancien ministre des Affaires étrangères. Celui qui n'a pas bien saisi les règles du jeu et ne parvient pas à protéger ses intérêts. C'est particulièrement manifeste dans les relations avec la Chine, devenue le premier partenaire commercial et financier du Vieux Continent. L'Union européenne enregistre un déficit commercial avec la Chine de 169 milliards d'euros (en 2010) d'ampleur comparable au déséquilibre américano-chinois (205 milliards d'euros). Mais les récriminations vis-à-vis de Pékin sont très loin d'atteindre les vociférations de Washington. La commission du commerce extérieur du Parlement a tenu le 11 octobre une séance spéciale consacrée aux échanges sino-européens. En tant que responsable des relations avec l'Extrême-Orient au sein de l'administration européenne, Helena König a tenu à faire la part des choses : «Il est clair que pour les entreprises européennes la Chine est une source de profits», a-t-elle souligné, mettant l'accent sur les sociétés allemandes ou françaises établies en Chine. Certes.

Concurrence déloyale du «made in China»

Cela ne saurait cacher tout le reste. Et tout d'abord la concurrence déloyale du «made in China», qui a amené la semaine dernière le Sénat américain à voter, pour la première fois, un projet de loi accusant Pékin de «manipuler sa monnaie». Ou encore l'accès au marché chinois, totalement contrôlé, alors qu'on assiste à «une ruée de la Chine sur l'Europe». Tel est le titre de l'étude décapante que viennent de rédiger François Godement et Jonas Parello-Plesner pour l'European Council on Foreign Relations. Ils y décrivent une stratégie tous azimuts d'acquisitions. De la reprise de grandes marques en difficulté, telles que Volvo ou MG dans l'automobile, à la constitution de PME. Pékin a ainsi mis en place un fonds doté de 2,8 milliards d'euros destinés à aider des PME allemandes innovatrices à développer des partenariats avec leurs homologues chinoises. Cela peut prendre la forme de véritables cités industrielles, comme à Prato, dans la banlieue de Florence, où 4 800 petites entreprises chinoises employant 40 000 salariés expatriés de Chine continentale constituent une tête de pont offshore.

Confrontée à cette vague, «L'Europe n'a ni informations ni régulations», stigmatise François Godement. L'ambassadeur de Bulgarie à Paris, Marin Raykov, explique comment son pays, faute d'avoir su intéresser les constructeurs automobiles français, a fait venir le chinois Great Wall Motor pour fabriquer des voitures en Bulgarie. La désindustrialisation et les difficultés budgétaires des États du Sud constituent un ventre mou idéal.

Fort de ses 3200 milliards (dollars) de réserves de change, Pékin se présente tour à tour comme le chevalier blanc au secours de la Grèce, du Portugal, de l'Irlande et de la Hongrie. L'été dernier, une délégation du Trésor italien, Marco Polo des temps modernes, s'est rendue en grande pompe à Pékin pour faire sa cour. Le bruit a couru que la banque centrale chinoise détiendrait 25 % de toutes les dettes publiques européennes. Une information dénuée de tout fondement, insiste François Godement. Contrairement au Trésor américain, qui suit précisément la détention de Treasury bonds par Pékin et publie ses chiffres, l'Europe ne dispose d'aucun outil statistique. Comme si la Grèce, dont Eurostat a su dès septembre 2004 que ses comptes étaient truqués, n'avait pas servi de leçon.

Cette absence d'informations est pain bénit pour Pékin, qui garde les siennes secrètes. De quoi faciliter sa conquête, selon le principe du «diviser pour régner», vieux comme l'Empire romain, que les Britanniques avaient repris à leur usage pour coloniser le Moyen-Orient.


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66 commentaires
  • vu de Hong Kong

    le

    Haha un conseil les Europeens; arretez de nous fatiguer avec votre socialisme et mettez vous au travail!

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