Qu’est-ce que le multilatéralisme ?

Au premier jour de l’assemblée générale des Nations unies, deux visions du monde se sont affrontées par discours interposés à la tribune. Premier à prendre la parole, Donald Trump a réaffirmé son refus d’un monde multipolaire. « Nous n’abandonnerons jamais la souveraineté américaine à une bureaucratie mondiale non élue et irresponsable. »

Le chef de l’État français n’a pas cité le nom de Donald Trump mais son discours a été souvent l’exact opposé de celui prononcé par le président américain. « Certains ont choisi la loi du plus fort. Mais elle ne protège aucun peuple. Nous choisissons une autre voie : le multilatéralisme », a résumé Emmanuel Macron.

Par opposition à l’unilatéralisme, le multilatéralisme est un ensemble de mécanismes qui régissent la coopération entre États. Ces relations s’organisent autour d’un nombre limité mais significatif de grandes conventions internationales (Convention sur le droit de la mer, traité de non-prolifération des armes nucléaires) et peuvent être coordonnées par des organisations comme les Nations unies et l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

Ce système a été façonné en grande partie au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, profitant du traumatisme engendré par le conflit planétaire et la nécessité de reconstruire un ordre mondial qui favorise le commerce et la coopération entre les pays.

« Ces partisans se reconnaissent parmi les nations qui défendent les règles internationales et souscrivent aux traités, contribuent financièrement et humainement aux missions de maintien de la paix, payent rubis sur ongle leur part obligatoire au budget de l’ONU, voire la dépasse, cherchent des consensus sur les dossiers sensibles plutôt que d’user du droit de veto et privilégient les traités les plus larges possibles en lieu et place des échanges bilatéraux », précise Manuel Lafont Rapnouil, responsable parisien du Conseil européen des relations internationales.

Qui défend le multilatéralisme au sein du Conseil de sécurité de l’ONU ?

Pour bon nombre de spécialistes, la paralysie de la dynamique multilatérale tient en bonne partie à l’attitude des États-Unis qui préfèrent la loi américaine à la loi internationale.

La première puissance mondiale a également déclenché une guerre en Irak sans le soutien des Nations unies, renoncé au traité sur le nucléaire iranien et quitté plusieurs organismes tel que l’Unesco ou le conseil des droits de l’homme. Depuis 1994, les États-Unis ont utilisé à 15 reprises le droit de veto au conseil de sécurité, l’arme la plus unilatérale qui soit, soit autant que la Russie.

Au-delà de sa dénonciation de l’unilatéralisme américain, le gouvernement russe n’a pas montré beaucoup d’appétence pour le multilatéralisme qu’elle confond avec une vision multipolaire des rapports mondiaux. Bloquant systématiquement les résolutions de l’ONU sur le dossier syrien, Moscou cherche à créer des coalitions sur les questions de sécurité et de lutte contre le terrorisme.

La Chine qui a utilisé à sept reprises son droit de veto depuis 1994 défend son approche multilatérale à travers une contribution croissante aux Casques bleus, la hausse de ses dépenses au budget des Nations unies et une présence renforcée dans les agences dites techniques de l’ONU. Elle adhère à de nombreux traités, en évitant cependant les conventions qui seraient juridiquement contraignantes.

« Pour la Chine, le multilatéralisme est d’abord une technique diplomatique qui consiste à trouver des accords à plusieurs, à condition qu’ils n’empiètent pas sur leur souveraineté, estime Manuel Lafont Rapnouil. Les Européens assument davantage la notion d’interdépendance et d’un ordre mondial qui réponde à des principes permettant de traiter des problèmes. »

Depuis la fin des guerres coloniales, la France et le Royaume-Uni sont sur cette ligne de conduite. Les deux membres du conseil de sécurité de l’ONU n’ont pas utilisé leur droit de veto depuis la fin de la Guerre Froide et ont soutenu activement la rédaction des traités et conventions internationales.

Si la France est intervenue militairement à plusieurs reprises, notamment en Afrique, elle a pris soin de le faire avec l’aval de l’ONU ou à tout le moins avec le soutien de larges coalitions, au cours des vingt dernières années. « Ces deux ex-grandes puissances voient dans le multilatéralisme une façon de renforcer leur capacité politique sur la scène internationale », conclut Manuel Lafont Rapnouil.