Longtemps considérée par l’Allemagne comme une zone d’influence française, l’Afrique subsaharienne change de statut outre-Rhin. La visite de trois jours sur le continent qu’Angela Merkel a entamée au Mali, dimanche 9 octobre, avant de se rendre au Niger et en Éthiopie, en apporte la preuve. « J’estime que nous devons nous intéresser beaucoup plus au destin de l’Afrique », avait prévenu la chancelière allemande avant son départ. Une réorientation qu’elle a confirmée une fois à Bamako, où l’a accueillie le président Ibrahim Boubacar Keïta.

À ses côtés, Angela Merkel a insisté sur l’importance d’associer soutien militaire et aide au développement. « Le militaire seul ne peut apporter la paix », a-t-elle déclaré, avant d’appeler à l’application totale de l’accord de paix signé en mai-juin 2015, censé mettre fin aux nombreuses rébellions touarègues qui se sont succédé dans le nord du pays depuis l’indépendance, en 1960.

De l’aide au développement au soutien militaire

Alors qu’elle se limitait jusque-là à l’aide au développement, l’Allemagne est désormais engagée sur le terrain militaire au Mali. Elle constitue le troisième pays pourvoyeur d’hommes – soit 130 personnes – à la Mission de formation de l’Union européenne au Mali (EUTM), destinée à entraîner et conseiller l’armée malienne. Berlin a également mis 540 hommes à disposition de la Mission des Nations unies dans le pays, la Minusma.

« Pour des raisons historiques liées à la brièveté de son histoire coloniale en Afrique, l’Allemagne n’en a jamais fait une priorité de politiques étrangère, explique Josef Janning, directeur du bureau berlinois du Conseil européen des affaires étrangères, un groupe de réflexion (ECFR). L’Afrique était envisagée sous l’angle de l’aide au développement, mais jamais comme un sujet stratégique. Cela a changé. »

Envisager l’Afrique autrement

Le développement du terrorisme islamiste au Sahel, l’accroissement des arrivées de demandeurs d’asile subsahariens en Europe ainsi que l’affaiblissement de l’État tunisien et la chute de l’État libyen à la faveur des « printemps arabes » ont conduit diplomates et spécialistes de la défense allemands à envisager l’Afrique autrement. « L’Afrique a commencé à occuper une place grandissante sur l’agenda en Allemagne, où il est apparu que les crises au sud du Sahara pouvaient avoir des conséquences en Europe », poursuit Josef Janning.

À l’image de la ligne politique de l’Union européenne (UE), l’Allemagne considère que l’aide financière doit contribuer à endiguer les volontés d’exil des candidats à l’asile en Europe, voire à inciter les pays de départ à réadmettre ces derniers sur leur territoire en cas de fin de non-recevoir à leur demande d’asile.

Signe de cette préoccupation, Angela Merkel devait visiter, lundi 10 octobre, le bureau à vocation régionale de l’Organisation internationale pour les Migrations (OIM) au Niger, pays de transit de la plupart des demandeurs d’asile subsahariens avant qu’ils ne gagnent la Libye, d’où ils embarquent pour traverser la Méditerranée. Une question continentale, les migrations, que la chancelière allemande abordera aussi à coup sûr, mardi 11 octobre, avec la présidente de la commission de l’Union africaine (UA), Nkosazana Dlamini-Zuma, à Addis-Abeba.