La rencontre est historique. Le président du Conseil des affaires continentales de Taïwan, qui s’occupe des relations du pays avec la Chine, rencontre mardi 11 février son homologue, le chef du Bureau chinois des affaires taïwanaises. Aucun contact officiel n’avait eu lieu depuis la séparation de 1949.

Cette année-là, après plus de deux décennies de guerre civile, tout juste mise entre parenthèses par le second conflit mondial, les nationalistes chinois perdaient leur combat face aux communistes de Mao Zedong.

Alors que la République populaire de Chine était proclamée, deux millions de Chinois en faveur du Kuomintang (Parti national du peuple chinois) quittaient alors le continent et s’installaient sur l’île de Taïwan. Depuis, Pékin comme Taïpei revendiquent leur pleine autorité sur l’ensemble du territoire chinois.

« Nous ne pouvons léguer ces problèmes d’une génération à l’autre »

Cette rencontre entre hauts responsables chinois et taïwanais fait suite à une déclaration du président chinois Xi Jinping, formulée lors du sommet de la Coopération économique pour l’Asie-Pacifique (Apec), en Indonésie en octobre dernier : « Le problème de la division politique qui existe des deux côtés doit être progressivement et finalement réglé, nous ne pouvons léguer ces problèmes d’une génération à l’autre », avait-il alors affirmé.

« Cette rencontre entre hauts représentants est une offre à double tranchant, car il y a d’un côté une ouverture, mais de l’autre une exigence de la Chine, explique François Godement, historien et spécialiste des relations internationales en Asie orientale. Cela signifie pour Taïwan l’acceptation d’un nouveau cadre de discussion. Taïwan participe à cette rencontre pour des raisons économiques, parce que les Chinois ont d’importants moyens de pression et parce qu’elle ne se passe pas encore à un niveau très élevé. Mais la Chine souhaite clairement franchir une nouvelle étape. »

Une future rencontre ?

Depuis l’élection du président taïwanais Ma Jing-jeou en 2008, favorable à des liens avec la Chine, les relations entre les deux pays se sont quelque peu apaisées. En 2010, un accord-cadre de coopération économique a été signé entre les deux pays et d’autres gestes d’ouverture ont été réalisés, comme par exemple la reprise des vols aériens directs. Mais ils n’ont toujours été négociés que par des organismes semi-officiels.

Peut-on imaginer, à la suite de ces premières discussions officielles depuis près de soixante-cinq ans, une future rencontre entre présidents chinois et taïwanais ? Le prochain sommet de l’Apec, en octobre à Pékin, pourrait constituer une occasion.

Mais pour François Godement, « le président taïwanais va certainement envisager les choses avec beaucoup de prudence. Cette première rencontre entre officiels a certainement été acceptée sur le fil par Taïwan, et il sait que l’opinion publique n’est pas favorable à une reprise des discussions en vue d’une réunification. »