C’est l’ultime basculement vers une économie capitaliste. Un peu plus de dix ans après son réveil, l’empire du Milieu s’attaque à son secteur bancaire. Les banques continuant de financer en priorité le secteur public, pour trouver des liquidités, les entreprises privées doivent contracter des prêts de manière informelle auprès d’officines non officielles ou des banques elles-mêmes. Leur valeur et leur nature sont opaques mais ils représenteraient 30 % du PIB. Un défaut de paiement pourrait être catastrophique pour la Chine.

Le gouvernement a pris des mesures pour limiter le crédit et stimuler la consommation. L’immobilier est un des secteurs visés. La pierre est l’investissement favori des Chinois. «Ils épargnent en moyenne plus de 50 % de leur revenu. Les placements immobiliers sont utilisés comme des comptes en banque. Il n’est pas rare qu’une même personne possède plus de trois biens immobiliers», explique François Godement, directeur stratégie chez Asia Centre.

La forte demande, attisée d’abord par des prix attractifs, a alimenté une inflation spectaculaire et une flambée des constructions. La valeur du mètre carré excède 14 500 € à Shanghaï. L’une des plus élevées au monde. Les prix ne correspondent plus au salaire moyen. Tout l’enjeu pour les dirigeants de la Chine est de parvenir à les faire diminuer.

Pour limiter la spéculation, le gouvernement pousse les banques à favoriser les primo-accédants pour l’octroi de crédits. Il a aussi augmenté l’acompte demandé à l’achat d’une résidence secondaire à 60 % du prix total.

Les premiers effets se font déjà sentir. D’après le Bureau national des statistiques, le prix des logements neufs augmente toujours mais à un rythme qui ne cesse de ralentir depuis le début de l’année. Ils ont augmenté de 16 % contre 21 % sur la même période en 2013.

Dans une dizaine de petites villes, des quartiers neufs prennent des allures fantomatiques. À Hangzou, dans le quartier Tiangducheng, les immeubles s’alignent de part et d’autre de rues désertes. Les appartements ne trouvent plus preneur. Même si les prix ont chuté d’environ 30 % en quelques mois, les acheteurs potentiels attendent.

«Des faillites dans le secteur seront inévitables mais elles sont nécessaires pour que le secteur bancaire redevienne viable», estime Mary-Françoise Renard, spécialiste de la Chine au Centre d’études et de recherches sur le développement international (Cerdi). Le gouvernement reste vigilant. La frontière est mince entre l’assainissement et le basculement dans une crise systémique.

Face aux risques accrus et à la rentabilité réduite, les investissements immobiliers vont se réduire. «Il y aura crise si la confiance diminue aussi dans les autres pans de l’économie mais la mobilisation du gouvernement et de la banque centrale rend cette éventualité peu probable», explique Mary-Françoise Renard. «Le gouvernement dispose des moyens suffisants pour éponger un début de crise.»