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EUROPE

La fin des attaques terroristes en Europe avec le PNR ?

Le PNR est un "outil indispensable", a assené le Premier ministre Manuel Valls lors de son déplacement mercredi, à Bruxelles. L’Europe peut-elle espérer lutter contre le terrorisme grâce à ce dispositif sécuritaire contesté ? Éléments de réponses.

Des manifestants hostiles au PNR brandissent des pancartes pour dénoncer des atteintes aux libertés civiles.
Des manifestants hostiles au PNR brandissent des pancartes pour dénoncer des atteintes aux libertés civiles. Frederick Florin, AFP
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Le débat sur la mise en place du registre des noms de passagers dit "PNR" ("Passenger Name Record") revient tristement à chaque attaque jihadiste commise sur le sol européen. Au lendemain des attentats de Bruxelles qui ont fait une trentaine de morts et environ 200 blessés, Manuel Valls a estimé mardi 22 mars devant les députés français qu'il y avait "urgence à adopter le PNR. Et je dis notamment aux groupes socialiste et écologiste du Parlement européen : chacun doit prendre ses responsabilités [...] On a assez perdu de temps sur cette question".

Ce fichier permet de centraliser les informations personnelles détenues par les compagnies aériennes sur les passagers aux arrivées et aux départs des aéroports. Identité, numéro de téléphone, adresse électronique, numéro du billet, du siège sont ainsi consignés dans un registre pour suivre les déplacements des individus suspects. 

Le PNR, nouvelle arme juridique contre les attentats ?

Appliqué, ce PNR aurait-il permis d’éviter les attentats perpétrés à Bruxelles ? Rien n’est moins sûr, estime Emmanuel Dupuy, président de l’Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE). "Le PNR n’aurait pas permis d’arrêter les jihadistes parce qu’ils ont commis leurs actes dans le hall de l’aéroport," ils n’avaient donc pas de titres de transports qui aurait permis de les repérer.

Une opinion partagée par Josef Janning, chercheur au conseil européen des relations internationales (ECFR). "Les services de renseignements savent que les membres des cellules jihadistes ne se déplacent pas en avion, pour éviter justement tout risque d’exposition, privilégiant les trains et les routes."

Ces mêmes observateurs ne nient pour autant pas l’utilité d’une telle mesure dans la lutte contre le terrorisme. "Le PNR aurait sûrement permis de faciliter les échanges de renseignements sur les réseaux jihadistes entre Européens. Il aurait également apporté de précieuses réponses aux questions que se posent actuellement les enquêteurs", souligne ainsi Emmanuel Dupuy à France 24. En janvier 2015, il aurait notamment permis de voir que des proches d'Amedy Coulibaly avaient quitté le territoire pour se rendre en Syrie.

PNR versus Patriot Act

À ce jour, la directive européenne qui a été adoptée par la commission des libertés civiles du Parlement européen, le 10 décembre 2015 sous la pression de la France après les attentats du 13 novembre, n’a toujours pas été votée en séance publique. Une partie de la gauche européenne et des écologistes réticents au projet ont empêché son inscription à l’ordre du jour du Parlement début mars afin qu’il puisse être adopté assorti d'une directive portant sur la protection des données.

Les révélations d’Edward Snowden sur les programmes de renseignement de la NSA américaine ont largement renforcé les réticences de certains Européens à l’égard du PNR. Reste que le Patriot Act, - l’arsenal juridique américain que les États-Unis ont mis en place après les attentats du 11 septembre 2001 pour renforcer les outils de lutte contre le terrorisme -, "n’a que très peu de rapport avec le PNR européen, note le président du IPSE.

Là où le PNR ne comprend qu'un simple fichier de données d'usagers des transports aériens, le Patriot Act permet à lui seul la coordination de tous les services de renseignement. Le PNR ne permet pas non plus le renforcement des contrôles au sein de l’espace Schengen, comme peut le faire le Patriot Act aux frontières américaines. "Le PNR est moins efficace que le Patriot Act parce qu’il est aussi moins radical," assure le spécialiste du IPSE.

Certains élus de droite et du centre regrettent d’ailleurs que l’UE n’aille pas plus loin en matière de sécurité et pointent du doigt les failles du PNR. "Ça n'est pas vraiment un système européen centralisé, a expliqué mardi 22 mars l'eurodéputé UDI Jean Arthuis sur France Info. C'est l'addition de 28 PNR nationaux. Avec la possibilité, volontairement mais non automatiquement, d'alimenter un système d'information centralisé".

Des failles

Autre grief porté contre le PNR : il est inopérant dans le cas où le terroriste voyage avec de vrais papiers sous un faux nom. Cette méthode dite du "look alike" est pourtant largement répandue chez les jihadistes.

Autant de raisons qui poussent certains parlementaires à plaider pour un renforcement sécuritaire qui aille bien au-delà du PNR. Philippe Folliot, député UDI du Tarn, défend en ce sens avec d’autres députés "la création effective d’une cellule européenne de coordination du renseignement – dans l’attente d’une Agence dédiée – sur le modèle d’Eurojust et d’Europol est urgemment attendue, comme cela avait été indiqué à la suite des attentats de janvier 2015 à Paris."

Un point sur lequel les partis de la droite et du centre français s’accordent avec le Premier ministre français pourtant socialiste. "Il faut avancer, pas uniquement sur le PNR, mais sur l'ensemble des moyens pour lutter contre le terrorisme", qui est l'affaire "d'une génération", a assuré Manuel Valls, mercredi 23 mars sur Europe 1.

En attendant la mise en place de tout cet arsenal juridique, le PNR a de bonnes chances de voir le jour en Europe, comme le note Emmanuel Dupuy. "On peut penser que l’Union européenne, qui a été dramatiquement et symboliquement touchée en son cœur, mobilise de nouveaux réflexes et se dote rapidement de nouveaux outils comme le PNR pour faciliter les échanges entre ses 28 membres, comme cela existe déjà dans des domaines moins régaliens, comme l’agriculture".

 

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