Les réseaux djihadistes en Europe

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Avec
  • Thomas Hegghammer Chercheur à l'Institut norvégien de recherche sur la défense- travaille sur l'Islamisme
  • Mark Leonard Directeur du Conseil européen des relations internationales (ECFR)
  • Jean-François Daguzan Docteur en droit et en sciences politiques, directeur adjoint de la Fondation pour la Recherche Stratégique (FRS) et professeur associé à l'Université de Paris II Panthéon-Assas
  • Farhad Khosrokhavar Sociologue, directeur d'études à l'EHESS
Destination Djihad, Courrier International, n° 1244 du 4 sept. 2014
Destination Djihad, Courrier International, n° 1244 du 4 sept. 2014

Depuis l'attentat barbare et sanglant de mercredi dernier à Paris, à Charlie Hebdo , la menace djihadiste n'est plus virtuelle, elle a pénétré l'Europe et notre pays n'est pas le seul à devoir faire face. Comment ? Que sait-on **des réseaux ** qui permettent à des **fanatiques ** de passer à l'acte ?

Autour de Christine Ockrent, cette semaine :

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Jean-François Daguzan , Directeur Adjoint de La Fondation pour la Recherche Stratégique. Il a notamment publié Le terrorisme non conventionnel, avec Oliver Lepick, Recherches & documents n°12, nouvelle édition augmentée, PUF, Paris, 2003

Thomas Hegghammer , Directeur de recherche à l’Institut Norvégien de recherche pour la Défense. Il a co-écrit **Al Qaida, dans le texte ** (PUF) et et en anglais Jihad in Saudi Arabia (Cambridge 2010). Il a également l'article “Should I Stay or Should I Go? Explaining Variation in Western Jihadists’ Choice between Domestic and Foreign Fighting”, **American Political Science Review ** , feb. 20013

Farhad Khosrokhavar (au téléphone), directeur d'études à l'EHESS et chercheur au Centre d'Analyse et d'Intervention Sociologiques (CADIS: EHESS-CNRS). Il vient de publier Radicalisation (Maison des sciences de l'homme, 2014)

Mark Leonard , Co-Fondateur and Directeur du European Council on Foreign Relations

Courrier International
Courrier International

La chronique de Courrier International par Eric Chol

Je suis Charlie, Courrier International, Supplément au n° 1262 du 08.01.2015
Je suis Charlie, Courrier International, Supplément au n° 1262 du 08.01.2015

"Dans la presse arabe , il y a, de manière générale, deux types de réactions . Evidemment une dénonciation très claire des crimes commis par les terroristes , - dénonciation que l’on retrouve dans les journaux algériens, à la Une, par exemple, de **El Watan ** **avec ce très beau dessin en hommage à Charlie Hebdo. **

Une du journal El Watan sur Charlie Hebdo, 8 janvier 2015
Une du journal El Watan sur Charlie Hebdo, 8 janvier 2015

Une dénonciation que l’on retrouve aussi sous la plume du journaliste écrivain Kamel Daoud. Cet intellectuel algérien est lui-même sous le coup d’une fatwa lancée le mois dernier par l’imam intégriste Hamdache, appelant à son meurtre. Kamel Daoud a publié un petit texte sur son compte Facebook, deux jours après l’attaque contre Charlie Hebdo . L’enjeu, pour lui, est clairement celui de la liberté. Pouvoir dire, « je suis libre, contre ceux qui hurlent je suis Allah. A nous de décider quel monde nous voulons, face à la fin du monde que les tueurs veulent pour nous ».

L’autre réaction, très présente dans la presse arabe, c’est évidemment **la crainte des divisions, de l’islamophobie. ** Car, écrit le Quotidien d’Oran , « ce bain de sang, c’est une certitude, va servir la propagande de haine ». Même tonalité dans le grand quotidien panarabe imprimé à Londres, Asharq Al-Awsat . C’est le directeur du journal qui prend la plume : « **Nous traversons encore une épreuve. C’est le début d’une avalanche de violence ** ».

Dessin de Stephff, in Je suis Charlie, Courrier International, du 08.01.2015
Dessin de Stephff, in Je suis Charlie, Courrier International, du 08.01.2015
- Stephff

A côté de ces deux réactions, il existe une presse beaucoup plus critique. Au Pakistan, par exemple, au lendemain de l’attentat contre Charlie Hebdo , les journaux ont fait le service minimum : rien à la Une, et très peu de choses dans les pages intérieures, uniquement des dépêches d’agence. Il a fallu finalement attendre hier, pour que le quotidien Dawn publie une tribune, titrée « De Peshawar à Paris » , qui stigmatise l’intolérance : le quotidien rappelle au passage que le Pakistan, victime d’un attentat, sanglant , qui avait fait plus de 140 morts, il y a quelques semaines, a été, l’an dernier , le pays le plus meurtrier pour les journalistes en exercice avec 14 morts.

Il y a aussi des points de vue beaucoup plus critiques à l’égard de la France et de sa liberté d’expression. Dans la presse égyptienne, par exemple, avec cette Une du quotidien égyptien Ahram , qui a titré hier : « Charlie Hebdo , l’expérience d’un hebdo satirique qui a osé s’attaquer aux religions et à son prophète et qui a fini par être brûlé et massacré ».

La presse iranienne est à peine moins critique. Bien sûr, Javad Heydarian, l'éditorialiste du quotidien réformateur Ebtekaar déplore "la percée du terrorisme au cœur de l’Europe" . Mais s’il condamne le crime, il pose très vite la question des limites de la liberté d'expression : *"Jusqu'où la publication des dessins et des textes qui tournent en dérision les croyances d'un groupe de gens peut être considérée dans les limites * [autorisées] de la liberté d'expression ?"

Ce débat dépasse largement le monde arabe. Heureusement il y a des voix pour dénoncer tous ceux qui se réjouissent sur les réseaux sociaux de cette tragédie française . C’est l’éditorial très fort du quotidien libanais L’Orient le jour , intitulé « Dégout durable » . Son auteur, Gaby Nasr , écrit : « Ainsi, la tragédie de * Charlie Hebdo * a fait brusquement sortir du bosquet une palanquée d'ahuris, dont on ne se souvient pas que la fibre religieuse ait jamais particulièrement vibré pour la sacralité du Prophète. À peine le drame de Paris était-il avéré, que ces patibulaires vidaient leur joie et leurs chargeurs à l'air libre .

Et l’éditorialiste libanais conclut : « Après on s'étonne pourquoi à chaque coup tordu, les enquêteurs du monde commencent d'abord par lorgner les Arabes... Et ce n'est pas un outrage, mais un diagnostic ».

Décidément, toute la presse n’est pas Charlie." Eric CHOL

Un grand merci à la Documentation Actualité de Radio France

Pour prolonger :

Marc Hecker, "Le jihad en Syrie et en Irak: un défi pour la France ", IFRI

Philippe Bernard, "Comment le djihad recrute de jeunes Européens" , Le Monde , 11 déc. 2014

Camille Jourdan, "Au Danemark, des centres tentent de “déradicaliser” les djihadistes", Les Inrocks , 29 oct. 2014

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