L'Europe face à Donald Trump

Drapeaux européens devant la Commission EU/A. Merkel  et D. Tusk- 12.03.2014/Portrait officiel de D. Trump - Wikicommons/Xavier Häpe/Mateusz Włodarczyk/The White House
Drapeaux européens devant la Commission EU/A. Merkel et D. Tusk- 12.03.2014/Portrait officiel de D. Trump - Wikicommons/Xavier Häpe/Mateusz Włodarczyk/The White House
Drapeaux européens devant la Commission EU/A. Merkel et D. Tusk- 12.03.2014/Portrait officiel de D. Trump - Wikicommons/Xavier Häpe/Mateusz Włodarczyk/The White House
Publicité

Quelles sont les divisions de l'Europe autour des mesures de Trump & sur la question de l'immigration au lendemain du sommet de Malte? Jusqu'où prétendre à l'unité, affirmer les valeurs communes, quand à coups de décrets présidentiels, Washington appuie sur les fissures qui déjà lézardent l'édifice?

Avec
  • Joachim Fritz-Vannahme Chef du service Europe à la Fondation Bertelsmann en Allemagne.
  • Enrico Letta Président de l’Institut Jacques Delors. Ancien Doyen de l’École des affaires internationales de Sciences Po Paris (PSIA) et ancien Président du Conseil des ministres italiens.
  • Éric Chol Directeur de la rédaction de l'Express
  • Mark Leonard Directeur du Conseil européen des relations internationales (ECFR)
  • Jacques Rupnik Historien, politologue, directeur de recherche émérite au CERI/Sciences Po

Vendredi les dirigeants européens se rencontraient pour le sommet de Malte, pour la première fois, depuis l’investiture du 45e président des Etats-Unis. Comment réagir face à Donald Trump ?

Face au grand chambardement géopolitique et commercial, face aux prédictions tonitruantes sur sa propre agonie, l’Europe devrait-elle rester muette ? D'un côté, la Grande-Bretagne et sa relation spéciale avec Washington que Madame May a incarné jusqu'à la caricature, de l'autre, les 27 avec leurs propres lignes de fracture sur la question migratoire et la France empêtrée dans des démêlés présidentielles et Madame Merkel, seul porte-étendard des valeurs de l'Europe à la veille elle-même d’une élection générale. Pour éclaircir cet imbroglio, autour de Christine Ockrent :

Publicité

Enrico Letta, ancien premier ministre italien, Président de l'Institut Jacques Delors, doyen de l' École des affaires internationales de Sciences-Po. Il publie cet automne un essai chez Fayard, sous le titre Contre vent et marée.

Jacques Rupnik, directeur de recherche au Centre d'études et de recherches internationales de Sciences Po (CERI), spécialiste de l'Europe centrale et orientale. Il a dirigé l’ouvrage collectif Géopolitique de la démocratisation: L'Europe et ses voisinages chez les Presses de Science Po en 2014.

Au téléphone depuis Londres, Mark Leonard, Directeur du European Council on Foreign Relations

et par téléphone, Joachim Fritz-Vannahme, Directeur du programme Europe à la Fondation Bertelsmann, à Gütersloh en Allemagne.

Eric Chol, Enrico Letta, Christine Ockrent et Jacques Rupnik
Eric Chol, Enrico Letta, Christine Ockrent et Jacques Rupnik
© Radio France - Merryl Moneghetti

La chronique d’Éric Chol de Courrier International

Eric Chol, Directeur de la Rédaction de Courrier International

La presse américaine s’inquiète des propos hostiles de l’administration Trump envers l’Union Européenne européenne.

Comme l’écrit Steven Erlanger, dans le *_New York Times_ *:

"une nouvelle menace a surgi pour l’Europe, et elle vient des Etats-Unis".

Pour l’éditorialiste américain, il est clair que l’Union européenne, tout comme le reste du monde, doit faire face à un président qui chaque jour, « semble vouloir ouvrir un front contre un nouveau pays ».

Cette attitude, écrit le journaliste, provoque un sentiment croissant d’anxiété mais aussi de perplexité sur la réponse à y apporter. Steven Erlanger rappelle que ce n’est pas la première fois que le torchon brûle entre l’Europe et les Etats-Unis : la relation transatlantique a déjà connu des moments difficiles, en particulier au début de la présidence de George W. Bush marquée par les attaques américaines contre le multilatéralisme et la guerre en Irak.

Mais Donald Trump semble franchir un nouveau cap et tout se passe comme si l’Union européenne était aujourd’hui dans son collimateur. D’ailleurs, relève le journaliste du NY Times, seuls les populistes européens trouvent grâce à ses yeux, à l’instar de Nigel Farage, l’ancien leader de Ukip.

Rien ne résume mieux ce nouveau climat de défiance de la part des Etats-Unis que les propos tenus par Ted Malloch, un proche Donald Trump, pressenti pour être le nouvel ambassadeur américain à Bruxelles. Ted Malloch, cité dans le New York Times, déclare à propos de l’Union européenne:

"Donald Trump n’aime guère une organisation qui est supranationale, non élue, où les bureaucrates sont hors de contrôle, et qui n’est franchement pas une vraie démocratie".

Quant à Jean Claude Juncker, le président de la commission, il a, toujours, selon Ted Malloch, « le profil pour être le maire d’une municipalité du Luxembourg ». Face à tant d’amabilités, on comprend que les 28 ou plutôt les 27 aient des raisons de s’inquiéter de la nouvelle politique américaine.

Le politologue russe Fiodor Loukianov livre une analyse sans concession sur l’état de l’Union européenne, dans le journal Gazetta.ru.

Il évoque une Europe en proie à une « tempête », au moment où, écrit-il, se poursuit

“l’étrange épopée surnommée Brexit” et que commencent à ‘entrer en ébullition’ les campagnes électorales aux Pays-Bas, en France et en Allemagne."

En réalité, prévient Fiodor Loukianov, cette crise européenne n’est pas nouvelle. Selon l’auteur, dont les vues sont réputées pour être proches de celles du Kremlin,

"les symptômes de la crise s’accumulaient depuis longtemps. Mais l’affolement actuel a été provoqué par le fait qu’un appui qui semblait jusque là solide et irremplaçable s’est mis à chanceler et à glisser de sous les pieds”.

Il parle évidemment des Etats-Unis de Donald Trump. Et justement : l’article de Gazetta.ru précise : si

"L’Europe est désemparée à ce point, c’est parce qu’elle ne connait pas d’autre format de relations avec l’Amérique que celle d’une étroite coordination”.

Or non seulement cette coordination est aujourd’hui remise en question mais la stabilité européenne est elle même est soumise à rude épreuve, puisque, écrit, Fiodor Loukianov

“cela fait longtemps que l’Europe politique n’a pas été dans un état aussi décomposé qu’aujourd’hui”.

L'équipe