La politique étrangère américaine

Le président Trump et Mike Pence après la signature de la proclamation reconnaissant Jérusalem comme la capitale d'Israël ©Maxppp - EPA/MAXPPP
Le président Trump et Mike Pence après la signature de la proclamation reconnaissant Jérusalem comme la capitale d'Israël ©Maxppp - EPA/MAXPPP
Le président Trump et Mike Pence après la signature de la proclamation reconnaissant Jérusalem comme la capitale d'Israël ©Maxppp - EPA/MAXPPP
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Où en est la politique étrangère américaine, alors que la reconnaissance de Jérusalem comme capitale officielle d'Israël suscite critiques et inquiétudes de la communauté internationale? Quel sens, quelle importance accorder à cette virevolte de Donald Trump?

Avec
  • Jeremy Shapiro Directeur de recherche à l'ECFR European Council on Foreign Relations
  • Roger Cohen Chef du bureau du New York Times à Paris
  • Thomas Gomart Historien des relations internationales, directeur de l’Institut français des relations internationales (IFRI).
  • Denis Charbit Professeur de science politique à l’université libre d’Israël, spécialiste de la société israélienne

Thomas Gomart, historien des relations internationales et directeur de l’Institut français des relations internationales (IFRI), il a co-dirigé avec Laurence Nardon "Trump, un an après. Un monde à l'état de nature ?" Études de l'Ifri, novembre 2017. Il a co-dirigé avec, Thierry de Montbrial, l’ouvrage collectif, Notre intérêt national : quelle politique étrangère pour la France ? (Odile Jacob, 2017).

Au téléphone depuis Londres, Jeremy Shapiro, directeur de recherche au European Council on Foreign Relations (ECFR, Conseil européen des relations internationales) . Il a été membre du personnel de planification des politiques du Département d'État des États-Unis et il a co-publié avec Philip Gordon _Allies at war: America, Europe and the Crisis over Iraq (_McGraw-Hill, 2004).

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Depuis l'Italie, Roger Cohen, Journaliste, Editorialiste au New York Times, il a publié dans le New York Times cette semaine l’article Mueller’s Facts and Trump’s Make-Believe 

Depuis Israël, Denis Charbit, Maître de conférences en sciences politiques à l’Open University de Tel-Aviv. Il a notamment publié Israël et ses paradoxes. Idées reçues sur un pays qui attise les passions aux éditions Le Cavalier Bleu en 2015.

Traduction simultanée de Michel Zlotowski

La chronique d'Eric Chol

Eric Chol, Directeur de la Rédaction de Courrier International

La politique du président américain au Moyen Orient est étrillée par les journaux de la région.

Même la presse israélienne est sévère avec le président américain. Dans le quotidien de gauche _Ha’Aretz__,_ un éditorialiste dénonce le geste de Donald Trump qu’il compare à un cadeau empoisonné à Netanyahou et Israël :

«La question est de savoir quel prix nous allons payer, écrit-il dans Ha’Aretz, . Cette décision va saboter toute initiative de paix, provoquer un retour de bâton qui nuira aux intérêts américains et israéliens au Moyen-Orient.

Selon le journal de droite_Yediot Aharonot_,

« Trump traite chaque dossier diplomatique comme un pyromane, à charge de son entourage de circonscrire l’incendie » .

Dans la presse palestinienne, on est bien sûr vent debout contre cette annonce de déménagement de l’ambassade américaine à Jérusalem.

Jérusalem est l’emblème de la Palestine, souligne le quotidien de Ramallah Al-Hayat Al-Jadida qui insiste :  « Sans Jérusalem, la Palestine ne serait qu’un cadre géographique, sans racines ni identité ».

Le quotidien de Ramallah conclut « C’est pour cela que la décision de l’administration américaine, qu’elle soit de Trump ou d’un autre, ne nous séparera pas de Jérusalem, nous, peuple palestinien. »

En Turquie, la presse pro-gouvernementale se déchaîne contre l’administration américaine. Dans le quotidien islamo-nationaliste _Yeni Safak_un éditorialiste s’emporte :

"Il se prépare un scénario catastrophe dans le Moyen-Orient. En déplaçant la guerre au cœur de l’Islam, en divisant la carte de ces pays, ils préparent l’anéantissement du monde musulman.

En réalité, c’est l’ensemble de la diplomatie américaine au Moyen Orient qui est dans le collimateur de la presse.

Ce que résume d’ailleurs très bien le quotidien libanais L’Orient le Jour : 

« Donald Trump est en train de sortir les États-Unis de l’histoire du Moyen-Orient, peut-on lire dans le journal de Beyrouth_. Il décrédibilise Washington en tant que principal médiateur du processus de paix israélo-palestinien. Il isole les Américains vis-à-vis de leurs principaux alliés, tant sur la scène internationale que sur la scène régionale »._

Quelles réactions en Russie et en Chine ?

C’est le même constat, la diplomatie de Donald Trump est sévèrement  critiquée. Le journal russe Ne-za-vissi-maïa Gazeta analyse la  faiblesse diplomatique américaine au Proche Orient et notamment en Syrie. Selon ce quotidien de centre gauche, il est clair que l’alliance qui s’opère actuellement entre la Russie, l’Iran et la Turquie marginalise Washington dans le conflit syrien, au point, nous dit ce quotidien de Moscou, que l’après-guerre syrien est entre les mains de ces trois pays.

A Pékin, le _Global Times__,_ qui est un journal anglophone très proche du pouvoir chinois, n’a pas tardé a commenté la décision américaine, et  le jugement est lui aussi très sévère.

« La volonté de Trump de secouer le panier de crabes qu'est Jérusalem constitue une décision difficilement compréhensible du point de vue des relations internationales, écrit le journal chinois_. Elle vient incontestablement envenimer la situation au Moyen-Orient et attiser la colère des pays arabes et musulmans contre les États-Unis._ »

Au delà de cette affaire de Jérusalem et de la gestion chaotique du Moyen Orient, c’est l’ensemble de la diplomatie américaine que la presse asiatique interroge. Ainsi, le_South China Morning Post_à Hong Kong, dressait récemment le bilan de la tournée effectué le mois dernier par Donald Trump en Asie.

Pour le journaliste hongkongais, « la diplomatie “d’homme d’affaires” de Trump, dénuée de toute stratégie cohérente, a accéléré le déclin de l’influence américaine dans cette région du monde ». 

Déclin qui engendre, « une incertitude stratégique sans précédent sur la planète ». Et c’est précisément dans ce vide que s’engouffre la Chine, nous dit l’auteur, une Chine dont le numéro un ,Xi Jinping « fait désormais  preuve de davantage d’audace en politique étrangère » conclut quotidien en langue anglaise de Hongkong.

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