La campagne présidentielle vue d'ailleurs 5) think tanks américains

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Des candidats tellement inattendus que l'issue de cette consultation électorale est imprévisible.

Après les médias, les think tanks. Que peut-on y lire sur notre campagne électorale, et plus largement, sur notre vie politique ?

Le titre d’un papier publié par l’Université de Yale a retenu mon attention « Le facteur Trump dans les élections françaises ». Consacré à un parallèle entre Marine Le Pen et Donald Trump, il est signé François Godement. Marine Le Pen écrit-il, joue sur les mêmes touches que Trump. Celle de la désaffection envers les partis établis et celle de la frustration ressenties sur les plans social et culturel par une forte proportion de l’électorat.

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La France partage avec les Etats-Unis d’être une vieille nation d’immigrés. Et le républicanisme a longtemps constitué un puissant facteur d’intégration. La République, c’était, écrit-il, l’équivalent de notre « In God we trust ». Mais la machine s’est déréglée. Le républicanisme a perdu sa capacité d’agrégation. Ce sont les enfants nés de parents immigrés qui « souvent retournent aux communautés imaginées des pays d’origine ». Le multiculturalisme a aggravé les choses. On a assisté à l’échec graduel de l’intégration et à la formation de communautés closes, ainsi qu’à une montée de l’islam militant. Cela a provoqué un fort ressentiment envers les élites. Ce qui est frappant, écrit-il, c’est le sentiment de dépossession ressenti par une partie de la population, face à une double insécurité – à la fois sociale et culturelle.

La France et les Etats-Unis ont également en commun un sentiment de déclin. Mais la différence, c’est qu’aux Etats-Unis, les salaires des blue-collars ont effectivement baissé, alors qu’en France, les salaires ont eu plutôt tendance à augmenter. Mais c’est le chômage qui, chez nous, se maintient à des niveaux inacceptables. C’est pourquoi on observe aussi une différence au niveau de la traduction politique du malaise : la droite radicale, aux Etats-Unis, rejette l’Etat fédéral. En France, le Front national réclame son retour. Autre différence : ce sont les plus âgés qui ont voté pour Trump, aux Etats-Unis. En France, ce sont, au contraire, les jeunes qui votent le plus pour Le Pen. Trump a peuplé son gouvernement de milliardaires et il est ouvertement favorable au big business. Le programme de Marine Le Pen ressemble – je cite – à une résurrection des vieux programmes du Parti communiste des années 70.

Trump adore provoquer. Marine Le Pen ne cesse de sourire à la caméra pour désarmer les critiques. Autant de ressemblances donc que de différences.

Dresse-t-on des parallèles avec la situation qui prévaut dans d’autres pays d’Europe ? Ces pays où, nous l’avons vu, cette semaine dans Culture Monde, auront lieu aussi des électtions ?

Oui, et c’est pour relever, d’une manière générale, la poussée des partis populistes qui concerne à peu près toute l’Europe, comme le constate le think tank Atlantic Council. Ce dernier s’interroge sur l’impact qu’auront les élections prévues cette année dans 3 pays de l’Union européenne et peut-être un quatrième…

Aux Pays-Bas, le Parti de la Liberté de Wilders, qui prône l’interdiction de l’immigration musulmane, va probablement devenir le premier du pays en nombre de sièges au Parlement. Mais il est loin de la majorité et ne dispose pas d’alliés. Il ne pourra donc pas former de gouvernement de coalition. En France, Marine Le Pen est créditée de 22 à 26 % des voix, mais semble devoir être battue au second tour par le candidat arrivé en seconde position, quel qu’il soit. Atlantic Council estime que si François Fillon était élu, cela constituerait un défi pour l’Union européenne, car il appartient à la tendance eurosceptique de son camp. En Allemagne, la CDU/CSU est créditée de 32 à 38 % des suffrages, contre 21 à 22 pour le SPD. Le parti populiste anti-européen AFD n’en obtiendrait que 12 à 15 %, ce qui ne risque pas de faire basculer le pays dans le camp des eurosceptiques.

Mais c’est d’Italie que pourrait venir de mauvaises nouvelles pour l’UE. En effet, l’échec politique de Matteo Renzi a créé dans le pays une situation nouvelle et des élections anticipées cette année sont probables. Or, les populistes du Mouvement 5 Etoiles et la Ligue du Nord, qui sont tous deux eurosceptiques, pourraient bien former une majorité. Les Etats-Unis devraient s’en inquiéter estime l’Atlantic Council. Ce think tank n’a pas encore intégré le fait que le nouveau président des Etats-Unis désire ardemment la destruction de l’UE…

La Brookings, sans doute le plus important think tank du monde, ramifié dans de nombreuses régions de la planète, estime, de son côté que nos primaires, à droite comme à gauche, ont abouti à la sélection de candidats tellement inattendus que l’issue du premier tour est, lui aussi, très inattendu. Quatre candidats ont leurs chances de passer l’obstacle. Le plus inattendu (one more time) est Emmanuel Macron. Il attirera – je cite – « un électorat jeune, urbain, de centre-gauche (et possiblement de centre-droit) ». la vision de Macron est qualifiée de « favorable au business et pourtant sociale-démocrate ». En opposition avec celle de Hamon, décrit, je cite comme « un Bernie Sanders à la française ». Hamon est favorable à l’immigration, Macron à une Europe qui assume le lâchage américain.

Beaucoup de visages relativement nouveaux, relève cette note de la Brookings. Et une inquiétude : le risque de voir les voix des modérés se couvrir les unes les autres, au bénéfice de Marine Le Pen. Son nationalisme anti-européen pourrait avoir – je cite – des conséquences désastreuses pour les relations transatlantiques. Bizarrement, l’auteur de la note évite de mentionner l’effet produit par l’élection de Donald Trump sur ces fameuses relations. Les think tanks américains auraient-ils une présidence de retard ?

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