Le texte accordant de nouvelles concessions au Royaume-Uni ne sera pas une décision classique du Conseil européen, mais un accord international.
L’Europe se penchera jeudi et vendredi sur un texte inhabituel. Le document que le président du Conseil européen va soumettre à ses partenaires sur le sujet du Brexit n’est en effet pas une décision du Conseil européen. Ce n’est donc pas, à proprement parler, une décision européenne. Il s’agit précisément d’une « décision des chefs d’Etat ou de gouvernement concernant un nouvel arrangement pour le Royaume-Uni dans l’Union européenne ». Soit un accord international entre des chefs d’Etat qui se trouvent appartenir à l’Union européenne.
Une pirouette pour éviter de changer les traités
Un statut juridique hybride, en forme de pirouette : ce texte aura la valeur d’un accord international, mais ne contraint pas les États européens à changer le traité qui les lie. L’idée de modifier le traité de Lisbonne est en effet un tabou à l’heure actuelle : les forces centripètes sont trop vaillantes pour que des référendums puissent être organisés sans semer la zizanie. France et Allemagne sont donc opposées à cette hypothèse.
Ce statut juridique exceptionnel a déjà été utilisé dans le passé. Selon le Conseil de l’UE, il a été appliqué lors de la mise en place du régime spécifique du Danemark, ainsi que lors de la mise en place de l’euro. Le pacte budgétaire européen a aussi été adopté sous forme de traité, une formule plus ambitieuse puisqu’elle doit être ratifiée par la plupart des parlements, mais qui n’est pas non plus une solution « maison » pour l’Union européenne, puisque le Royaume-Uni, la République Tchèque et la Croatie n’y ont pas participé.
Le statut de l’accord international présente aussi l’intérêt de la rapidité : il peut être ratifié nettement plus rapidement qu’un changement de traité. Ainsi, il n’aura pas besoin d’être ratifié par le Parlement en France, et s’appliquera automatiquement –s’il s’applique un jour. Cet accord de concessions accordées au Royaume-Uni n’entrera en effet en vigueur que si les Britanniques confirment leur souhait de rester au sein de l’Union européenne.
Un texte moins fort mais plus rapide
En revanche, «le texte aura la valeur d’un traité de droit international, c’est-à-dire qui ne fait pas partie du droit européen et donc des bases juridiques qui obligent les institutions européennes, dont la Cour de Justice ; d’autre part, sa valeur juridique étant parallèle au corpus de droit européen, il ne pourra contredire ce dernier sur le fond » prévient Manuel Lafont-Rapnouil, directeur du think-tank ECFR en France, qui estime néanmoins que le statut d’accord international du texte présente un réel atout politique pour David Cameron. « Ce mécanisme permet de repousser l’inclusion des renégociations britanniques au sein des traités, qui reste toutefois au programme » précise le spécialiste des relations internationales.
L’accord international sera complété par des « annexes », dont l’une porte exclusivement sur la gouvernance économique de la zone euro, un autre sur la compétitivité, un troisième sur la subsidiarité , ainsi qu’une proposition de la Commission européenne, prévoyant de durcir la législation prévenant le mariage blanc ( !).
Simple en théorie, un accord de retrait serait compliqué en pratique
Si les Britanniques décidaient en revanche de sortir de l’Union européenne, une période de 2 ans de négociations s’ouvrirait, comme le prévoit l’article 50 du traité sur l’Union européenne. La négociation d’un accord de retrait est plus simple que l’entrée dans l’UE : elle ne demande pas d’accord des 27 autres membres, ni d’accord au Conseil européen. Mais « en plus de renégocier le statut de leurs relations avec l’UE, ce qui pourra se faire à partir des précédents de la Suisse notamment, le Royaume-Uni devra aussi traduire dans son propre droit des milliers de textes européens qui s’appliquent directement en droit anglais jusqu’alors. C’est un travail de titan qui prendra très longtemps » prévient un diplomate français. Les règlements de l’UE notamment demanderaient d’être adaptée sous forme d’autant de lois nationales à négocier avec les parlementaires.
Selon un point de vue précisé par Jean-Claude Piris pour le think-tank Bruegel, le Royaume-Uni perdrait alors le bénéfice de quelque 200 accords internationaux actuellement en cours. A charge pour l’archipel, ensuite, de renouer ces liens.