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Monde

Pour éviter la déchéance, l'Allemagne de Merkel a le choix entre 6 scénarios

DECRYPTAGE Les Allemands doivent-ils renforcer leurs liens avec la France ou abandonner l'euro ? Se transformer en grande Suisse ou rejoindre les Brics ? Autant de questions qui font plus que jamais débat outre-Rhin.
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La chancelière allemande Angela Merkel doit prendre en compte les aspirations de son peuple qui s'interroge sur le rôle de l'Allemagne et l'avenir de l'euro
La chancelière allemande Angela Merkel doit prendre en compte les aspirations de son peuple qui s'interroge sur le rôle de l'Allemagne et l'avenir de l'euro.
SIPA

Elle inspire Nicolas Sarkozy pour son traitement du chômage et David Cameron pour le développement de ses PME. Décidemment, l'Allemagne et sa chancelière est de tous les discours et sur tous les fronts. Angela Merkel vient juste de faire savoir qu’elle être prête à venir en aide au Portugal, après avoir proposé de mettre la Grèce sous tutelle...

Les leaders des principales capitales du Vieux Continent, eux, continuent de défiler à Berlin. Il y a deux semaines, la chancelière allemande était à Pékin et parlait aux autorités chinoises au nom de l’Europe. Et, alors que la locomotive économique de l'Union européenne, toujours riche de son triple A, engrange de bons résultats économiques, certains conseillers à Paris, comme à Washington, susurrent que la chancelière a entre ses mains bon nombre d'élections à venir et pas seulement celle qui en 2013 la concerne au premier chef. Si Angela Merkel impulse une solution durable à la crise de la dette, Nicolas Sarkozy et même Barack Obama ont de bonnes chances d’être réélus, sinon….

On le voit la République fédérale est entrée dans une autre dimension. Quel rôle, leur influence, quel leadership ? Si les Allemands suscitent perplexité, défiance, agacement, voire peur à l’étranger, outre-Rhin, les élites et l'opinion publique s’interrogent sur l’avenir. En tapant sur google "neue Rolle Deutschlands" ("le nouveau rôle de l’Allemagne", ndlr) on obtient… 28.300 réponses. Et surtout, six voies qui, pour certaines sont incompatibles entre elles.

1. Dominer l’Europe

Dans les faits, c’est le cas. L’Allemagne est le pays le plus peuplé et a l’économie la plus puissante, avec 26% du PIB de l’eurozone. Son faible taux de chômage et ses comptes publics quasiment remis d’équerre en font le modèle à suivre. Depuis le début de la crise, il se dit que la solution définitive à la crise de la dette souveraine, notamment l’émission d’euro-obligations, passe par le feu vert de Berlin.

Déjà, nos voisins exercent un rôle capital dans la surveillance du Vieux continent, en imposant leurs vues (la fameuse règle d’or), et leurs hommes : de plus en plus d’Allemands sont aux postes de commande à Bruxelles. Et rien que pour la Troïka, le groupe d’inspecteurs internationaux chargés de surveiller la Grèce, deux des trois chefs sont des Allemands. Toutefois, du fait de son passé, la République fédérale refuse les mots "hégémonie" ou "domination". Et adopte une posture officielle humble. Le ministère des affaires étrangères a même monté une cellule de réflexion pour savoir comment ne pas paraître trop arrogant.

2. Renforcer le couple franco-allemand

C’est le rêve du dernier carré des nostalgiques de l’ère Adenauer-de Gaulle. En réalité, depuis la rupture impulsée par Gerhard Schröder, qui affirmait clairement que, né en 1944, il n’était pas responsable des atrocités de la dernière guerre, la classe politique a pris ses distances avec Paris. Finie l’époque de la "symétrie de l’asymétrie", chère au politologue américain Stanley Hofmann, où une France politiquement forte et économiquement faible répondait à une Allemagne, qui était son exact contraire. Interrogé par Challenges, un ancien ministre des affaires étrangères français commente : "Aujourd’hui, en Europe, Madame Merkel est en régie, elle a imposé une ligne pénitentielle, abandonnant le masque du franco-allemand". Un jugement un poil exagéré : car Berlin a besoin de Paris pour faire passer les amères pilules. Par exemple le semestre européen (le contrôle des budgets par Bruxelles) ou la règle d’or, essentielles pour nos voisins, sont passés, parce que estampillés du double sceau de l’Elysée et de la chancellerie fédérale.

3. Sortir de l’euro

Attisé par une presse très combative, y compris la bible des milieux d’affaires, l’hebdomadaire Wirtschaftswoche, qui la première a publié en "une" un faire part de deuil de l’euro, l’anti-européanisme s’affiche sans complexe depuis le début de la crise grecque. 63% de nos voisins ne font plus confiance à l’Europe et pour 53% d’entre eux, l’Union ne représente plus l’avenir. Même l’élite n’hésite plus à marquer de sa défiance. En deux ans, les inhibitions sont tombées les unes après les autres. Il y a d’abord eu ces députés qui ont suggéré à Athènes de vendre des îles pour rembourser ses dettes, puis les avis des juges de la Cour de Karlsruhe très chatouilleux des prérogatives nationales, ensuite Hans-Olaf Henkel, ancien président de l’union des industriels allemands (BDI), longtemps zélateur de la monnaie unique, qui désormais réclame une zone euro coupée en deux. Dernier critique en date : Wolfgang Reitzle. Début janvier le président du groupe Linde était le premier patron du Dax à envisager publiquement une sortie de l’euro.

4. Rejoindre les Brics

Les experts en sont persuadés : entre 2025 et 2030, l’économie allemande aura été rattrapée par celle du Brésil et de l’Inde. Elle serait ainsi exclue du podium, passant du 3e au 6è rang mondial. La République fédérale aura une dimension de moyenne puissance, comparable à celle dont se prévalent aujourd'hui les membres du groupe des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud). Alors pourquoi ne pas s’en rapprocher ? Le raisonnement est simple, voire simpliste, mais frappé au coin du bon sens. Il a été popularisé l’été dernier par Ulrike Guérot, directrice du bureau berlinois du Conseil européen des relations étrangères. "Le dynamisme économique de l’Allemagne l’a éloignée de l’Europe et rapprochée des Brics. Les exportations vers la Chine ont par exemple cru de plus de 70% entre début 2009 et mi-2010", pointe la chercheuse.

5. Se tourner vers l’Est

Avec un ex-chancelier, Gerhard Schröder, ami intime de Vladimir Poutine, et dirigeant de Gazprom, une chancelière élevée en RDA et parlant couramment le russe, et une jeunesse fascinée par Varsovie et Moscou, l’Allemagne regarde beaucoup vers l’Est. De plus, Berlin n’aura sans doute pas été insensible à l’appel du ministre polonais des Affaires étrangères Radek Sikorski. Dans un discours du 28 novembre dernier, il a exhorté le gouvernement allemand d’agir face à la crise dans la zone euro : "La plus grande menace pour la sécurité et la prospérité de la Pologne serait la fin de la zone euro. Je demande à l’Allemagne pour notre bien à tous et pour le vôtre de l’aider à survivre et à prospérer". Et d’ajouter : "Je suis probablement le premier ministre polonais de l’histoire à demander ceci : mais voilà, je crains moins le pouvoir allemand que l’inactivité allemande", Avant de conclure: "Vous êtes devenu la nation indispensable de l’Europe".

6. Se transformer en grande Suisse

C’est la grande tentation de l’opinion publique : pouvoir prospérer tranquillement, sans s’engager. Réduit après guerre au rang de nain politique, mais dopé par les aides du plan Marshall, la République de Bonn est devenue en peu de décennies un géant économique. Pendant des années, l’armée allemande n’est intervenue nulle part, c’était son statut particulier, ce qu'elle appelle le "Sonderweg", sa "voie particulière".

Les premiers soldats allemands sont intervenus à l’extérieur, d’abord dans le cadre d’actions internationales humanitaires (Somalie, Bosnie, Kosovo). Puis sur un front de guerre, en Afghanistan. En septembre 2009, notre voisin a inauguré son premier monument aux morts depuis la seconde guerre mondiale.

La réunification avalée, la grande réforme de sa protection sociale (le fameux agenda 2010) mise en place et digérée au prix d’une cure d’austérité sans précédent, les Allemands de la nouvelle République de Berlin aspirent à profiter. On l’a vu l’an dernier avec l’intervention en Libye et le refus de Berlin d’y participer. On réalise combien l’option de la neutralité helvète convient à un peuple vieillissant, qui s’est serré la ceinture au cours de la dernière décennie et qui reste, de surcroît, stigmatisé par l’Histoire du XXè siècle.

D’ailleurs lors de la conférence sur la sécurité de Munich, le week end dernier, Wolfgang Ischinger l’organisateur, évoquait ce rôle de leader qu’endossait tout à coup son pays : "c’est pour l’Allemagne un rôle nouveau et inhabituel".

 

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