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Asie-Pacifique

Comment Pékin impose sa loi avec sa nouvelle " route de la soie "

Projet phare du président Xi Jinping, ce titanesque chantier de 10 000 kilomètres est une arme économique redoutable. Sa destination finale : l’Europe. Principal bénéficiaire : la Chine.

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UN OBJECTIF, DEUX VOIESTerrestre et maritime, la nouvelle route de la soie permettra un transport du fret plus rapide entre les grandes métropoles chinoises et l’Europe, elle renforcera les relations avec le Kazakhstan, riche en gaz et en pétrole. Des liens avec l’Afrique seront noués.

La nouvelle route de la soie permettra un transport du fret plus rapide entre les grandes métropoles chinoises et l’Europe, elle renforcera les relations avec le Kazakhstan, riche en gaz et en pétrole.

La Chine, centre du monde. Telle est résumée la (nouvelle) vision de la diplomatie économique chinoise. Et avec elle, un projet concret et global, baptisé la « nouvelle route de la soie ». Un chantier titanesque évalué à quelque 1 000 milliards de dollars d’investissements. Vertigineux. Au total, 68 pays sont concernés par ce « plan Marshall » censé bouleverser à l’échelle mondiale « les échanges pour les décennies à venir », selon Xi Jinping. Pour le numéro un chinois, ce projet, qu’il a présenté à une trentaine de chefs d’Etat spécialement réunis mi-mai à Pékin lors d’un sommet inédit, « sera bénéfique pour le monde entier ».

Deux fois plus rapide

De quoi s’agit-il ? D’un axe terrestre et ferroviaire long de 10 000 kilomètres, en cours de réalisation, qui traverse l’Ouest chinois, l’Asie centrale, la Russie, pour atteindre finalement l’Europe. Projet esquissé dès 2013, auquel s’ajoute une version maritime partant de Shanghai et de Hongkong vers l’océan Indien, l’Afrique, le canal de Suez avec en ligne de mire les grands ports européens. « La nouvelle route de la soie, baptisée en anglais One Road, One Belt (une route, une ceinture), est avant tout une arme économique, constate François Godement, professeur à Sciences-Po et fondateur du think tank Asia Centre. L’objectif pour la Chine est de renforcer son empreinte dans toute l’Eurasie et de créer un corridor commercial vers l’Europe. » Ce programme devrait ainsi réduire de moitié le temps de transport entre Pékin et le Vieux Continent.

Pour donner corps à ce nouveau rêve chinois, la deuxième économie du globe ne lésine pas. Un fonds spécial doté d’une première tranche de 40 milliards de dollars a été monté en 2015. Un ensemble complété par « des financements garantis par la nouvelle Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures, créée il y a deux ans sur l’initiative de la Chine », appuie Binyam Reja, représentant de la Banque mondiale en Asie centrale. « C’est un projet sur le long terme qui devrait courir jusqu’en 2030 ou 2040. »

Mais déjà, cet immense « masterplan » à la chinoise prend forme. Depuis un an, de nouvelles liaisons de fret ferroviaires sont assurées au départ de Wuhan et de Chongqing, deux mégapoles de plusieurs millions d’habitants. Leurs destinations : Duisburg en Allemagne, Genève, Lyon et, depuis peu, Londres que ces chargements atteignent en moins de quinze jours. D’ici trois ans, la Commission nationale du développement et de la réforme chinoise, sorte de commissariat général du Plan, prévoit ainsi quelque 5 000 trains de marchandises directs chaque année entre l’empire du Milieu et l’Europe.

« L’ambition de cette nouvelle route de la soie est certes d’atteindre le Vieux Continent, mais elle est aussi de servir toute l’Asie centrale en surcapacités industrielles chinoises », constate Hicham Belmaachi, depuis la ville de Khorgos, à la frontière entre le Kazakhstan et la Chine. Là, ce Franco-Marocain, qui travaille pour le groupe de logistique DP World, basé à Dubai, développe un port sec par lequel passe déjà une partie de ces trains Chine-Europe. Un site qui devrait s’imposer comme le futur hub ferroviaire de la région.

Intérêts énergétiques

A quelques kilomètres, une nouvelle autoroute flambant neuve se construit sous ses yeux. En partie financée par Pékin, cette large bande de bitume reliera bientôt Astana, la capitale économique du Kazakhstan. Elle multipliera par dix, selon certaines projections, le volume des échanges sino-kazakhs. Pour Noursoultan Nazarbaïev, président de ce pays le plus peuplé d’Asie centrale, il s’agit ni plus ni moins « du chantier du siècle ». Le Kazakhstan compte d’ailleurs investir, selon Zhenis Kasymbek, ex-ministre délégué des Investissements et du Développement, « plus de 20 milliards de dollars d’ici à 2020 dans les transports pour devenir une zone stratégique de transit entre la Chine et l’Europe ».

Mais les bénéfices de cette nouvelle route de la soie devraient aller d’abord et avant tout à la Chine. Cet axe sert en priorité ses intérêts stratégiques et énergétiques dans cette Eurasie gorgée de gaz et pétrole. Et lui permet, grâce au volet maritime du projet, de tisser des relations privilégiées avec l’Afrique.

Vu d’Europe, ce programme d’ouverture et d’expansion tous azimuts fascine, interroge et inquiète aussi. Nombre d’observateurs redoutent une nouvelle forme d’hégémonie chinoise sur le commerce international. Idem pour la Russie qui regarde, impuissante, la construction du projet de Xi Jinping. Quant à l’Amérique de Donald Trump, elle semble faire mine d’ignorer cette percée programmée. Au risque pour Washington de perdre de son influence qui s’efface un peu plus chaque année en Asie centrale.

Pierre Tiessen (à Pékin)

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